Titre :
« Dernière danse » (ou « Quand Zélos rencontre Sheena »…
Comment ça mon titre est bidon ?! xD)
Auteur :
Naikkoh
Couple : à votre avis ? ^^
Disclaimer :
Zélos et Sheena sont ensemble ?... Non ?... C’est bien ce que je
pensais alors, les personnages de ToS ne sont pas à moi *snifouille*
Par contre Yohnis appartient à
Yuen (fic : « Le Dragon sacré » disponible sur le forum ToS de
JeuxVideo.com, ainsi qu’en version remasterisée sur
EluDesDeuxMondes.canalblog.com) et l’Ishkal m’appartient.
Note : Je n’ai
pas abandonné ma fic initiale, rassurez-vous. Seulement j’avais envie de
marquer le coup de cette satanée St-Valentin cette année.
Sujet : à
priori St-Valentin, mais bon … peut être adaptable à toute autre situation^^ (
oui, bon, lisez avant de me taper sur les doigts hein xD). Surtout que je suis
bien en retard sur le planning prévu… -_-‘
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Une joyeuse
cacophonie résonnait dans l’immense salle de bal du palais de Meltokio. Tout le
gratin de la capitale était réuni sous les imposantes colonnes de marbre blanc
afin de présenter leurs vœux aux futurs époux. Enfin, leurs vœux…c’était vite
dit lorsqu’on avait affaire à une bande d’hypocrites pareils ! S’assurer
une belle place au soleil, voilà la vraie raison, peu avouable, il en convient,
qui avaient poussé ces aristocrates guindés à sortir de leurs demeures de
maîtres et à venir se pavaner à la cour !
Ce n’était qu’un déballage de
richesses et de démesure, tout étant bon à prendre afin d’épater la galerie.
Et, accessoirement, faire mourir de jalousie son voisin au passage…
Les dames de la noblesse, avec
leur visage poudré et maquillé à outrance, rivalisaient d’imagination afin de
se démarquer du troupeau et les étoffes chamarrées de leurs robes
tourbillonnaient en un bruissement discret sous les notes entêtantes de
l’orchestre placé au fond de la salle. Les coiffures étaient hautes,
sophistiquées, et mises en valeur à grand renfort de plumes, peignes de nacre,
pierres précieuses et perles d’eau. Nul doute que les caméristes avaient dû
user de tout leur génie pour rendre de tels chef-d’œuvres possibles. Les hommes
non plus n’étaient pas en reste et arboraient fièrement soieries délicates et
taffetas richement ornés, tout en faisant rutiler qui une broche, qui une
bague, qui un pommeau de canne, serti d’opale ou de diamant. Les conversations
légères allaient bon train et les rires de gorge étaient à moitié étouffés par
les éventails finement sculptés... le tout sous une bonne dose d’arrogance à demi
dissimulée par des regards affables et des sourires serviles.
Zélos soupira.
Plus le temps passait, et plus
ces mondanités lui pesaient.
Vraiment.
Que n’aurait-il pas donné pour
une soirée tranquille au coin du feu, à écouter Sélès, sa sœur, lire une de ses
histoires favorites ou encore un moment agréable passé avec ses amis.
Ses amis…
Que devenaient-ils
d’ailleurs ? Cela faisait des années qu’il ne les avait plus vus. Oh, bien
sur, ils avaient gardé contact mais avec le temps et cette période de paix
tranquille, les occasions de se rencontrer s’étaient faites de plus en plus
espacées, et pour finir s’étaient arrêtées. Chacun avait ses occupations et ses
responsabilités. Il ne pouvait pas les en blâmer. Pourtant… pourtant, retrouver
la fraîcheur de Colette, les niaiseries de Lloyd, les fanfaronnades de Génis,
les sermons de Raine, la discrétion de la jeune Préséa, les colères de Sheena
et le stoïcisme de Régal auraient été comme une bouffée d’air frais dans ce
carcan quotidien qu’était devenu sa vie. Non, au lieu de cela, il devait
supporter les courbettes et les fadaises des courtisans à longueur de temps.
Longtemps il avait eu la prétention de croire que cette situation lui
convenait, qu’il finirait par s’y faire. Ce n’était visiblement pas le cas.
L’ex-Elue de
Sylvarant et le jeune épéiste parcouraient encore le monde à la recherche des
derniers utilisateurs d’exsphère, les deux demi-elfes s’étaient volatilisés
dans la nature, Préséa dirigeait le nouveau village d’Ozette, reconstruit
depuis maintenant plusieurs années, et le président de la Société Lézareno
croulait sous le travail, tant et si bien qu’il ne mettait plus les pieds
dehors. Cela faisait un certain temps qu’il ne l’avait plus aperçu à la cour
d’ailleurs. Il n’y avait plus que Sheena pour le tenir informé des dernières
nouvelles de leurs compagnons. D’un autre côté, vu sa nouvelle fonction, il ne
pouvait guère en être autrement…
En parlant
d’elle d’ailleurs, elle était en retard, comme à son habitude, ce qui tira à
Zélos un nouveau soupir d’impatience. Aussitôt, une myriade de femmes de tous
âges l’entoura. Hors de question qu’un homme doté d’une telle prestance
s’ennuie lors d’une si somptueuse fête ! Il fallait dire aussi qu’on n’en
attendait pas moins pour un évènement pareil ! La décoration de la salle
était d’un luxe tapageur, des saltimbanques, originaires des quatre coins du
pays, animaient ces festivités tant attendues, déambulant entre les invités de
marque, et les cuisiniers s’affairaient aux fourneaux depuis presque une
semaine.
Le regard de
Zélos dériva à travers la pièce, passant au-dessus du troupeau de ses
admiratrices qui gloussaient autour de lui. Il y avait là de quoi subvenir aux
besoins d’un village entier. Et dire que plus de la moitié des mets entreposés
sur les tables finiraient dans les tas de fumier de l’arrière-cour des
cuisines, à peine entamés pour la plupart. Le jeune homme haussa les épaules et
chassa cette sombre pensée. De toute manière il ne pouvait rien y faire. Il
était difficile de changer les mentalités, ils en avaient eu la preuve à
maintes reprises.
Mais bon sang
que fichait donc Sheena !
La jeune femme
étouffa un grognement lorsque le page, dans sa livrée rutilante, lui annonça
avec un sourire avenant que le seigneur Wilder l’attendait depuis une bonne
heure déjà. Lui tendant son manteau, elle leva les yeux au ciel, constatant que
le temps n’avait toujours pas arrangé l’impatience de l’ancien Elu du Mana.
Quelque peu exaspérée – ce n’était pas de sa faute si une affaire urgente
l’avait retenue – elle pénétra sans plus attendre d’un pas énergique dans la
salle de réception royale, indifférente aux regards admiratifs et envieux sur
son passage. Faire partie des proches de sa « seigneurie » n’était
jamais de tout repos, et bien qu’elle fut habituée à ce genre d’attitude, elle
sentait qu’aujourd’hui il y avait quelque chose de différent. Sans doute à
cause de cet évènement, songea-t-elle, essayant de ne pas trop se formaliser
des murmures qu’elle percevait dans son dos. Se composant un masque froid et
neutre, elle continua sa route à travers le véritable labyrinthe humain des
convives, à la recherche du rouquin.
Elle finit par
l’apercevoir, adossé nonchalamment à une colonne de marbre, en train de badiner
avec des courtisanes. Cette découverte l’exaspéra au plus haut point.
Décidément, il ne changera
jamais ! Dès qu’il voit l’ombre d’une dentelle, il faut qu’il sorte le
grand jeu ! Et moi qui croyais qu’il avait fini par s’assagir… Sheena, ma
vieille, une fois de plus tu as été bien naïve de lui accorder ton crédit…
Malgré elle,
la jeune femme sentit son cœur se serrer et une pointe d’amertume la submergea
un instant à la vue de ce fier coq se pavanant au milieu de sa basse-cour. Se
faisant violence, elle réussit toutefois à reprendre le contrôle de ses
émotions et toisa l’ex-Elu avec tout le mépris dont elle était capable. Elle ne
devait pas ressentir ce genre de chose à son égard, car elle avait appris à ses
dépends où cela la mènerait. Elle secoua la tête comme pour expulser ce trouble
hors d’elle et expira à fond. Une fois sa paix intérieure retrouvée, elle fixa
le jeune homme plus intensément encore, laissant libre cours à sa colère. Il
n’avait pas dû s’ennuyer tant que ça en l’attendant. Très bien. Dans ce cas, il
pourrait bien l’attendre encore un peu. Elle n’avait pas envie de le priver
d’une si charmante compagnie.
Leurs regards
s’accrochèrent alors que Sheena allait tourner les talons. Lui, surpris. Elle,
de glace. Un instant ils restèrent là, sans bouger, le temps comme suspendu.
Puis, elle s’éloigna lentement, lui tournant ostensiblement le dos, sa robe de
satin blanc lui battant les chevilles.
Zélos avait
renoncé à chercher Sheena dans cette foule et avait reporté son attention sur
ces demoiselles surexcitées lui réclamant à corps et à cris un récit épique de
ses exploits, ce qu’il fit de bonne grâce. Il avait toujours aimé être le
centre d’intérêt général, cela lui donnait l’illusion qu’il existait en tant
qu’être humain et qu’il avait encore le contrôle de sa vie.
Soudain, une
impression de malaise lui fit relever la tête. Quelqu’un l’observait. La
sensation était étouffante. Et ce quelqu’un n’avait pas que des intentions
amicales, au vu de l’aura menaçante que le jeune homme roux percevait.
Lorsque ses yeux se posèrent sur
l’opportun, il en oublia presque de respirer. Pourquoi fallait-il qu’il fasse
toujours tout de travers ? Pourquoi fallait-il qu’elle le trouve en
charmante compagnie chaque fois qu’elle venait le voir ? Parce qu’à n’en
pas douter, la jeune ninja était en colère. Extrêmement en colère même. La lueur
glacée dans ses yeux en amande et la façon dont elle plissait le front ne
trompait pas. S’il lui tombait sous la main, il passerait un sale quart
d’heure. Zélos déglutit difficilement et pâlit, cloué sur place par le regard
méprisant, inquisiteur et peiné de la jeune femme…
Peiné ?!
Une petite seconde, là, il avait
visiblement loupé un épisode… Mais quel imbécile vraiment ! Zélos
s’infligea une claque mentale. Décidément il n’en loupait pas une avec elle.
Bredouillant de vagues excuses à son auditoire quelque peu dépité de le voir se
sauver si vite, il s’élança vers Sheena. Mais le temps qu’il fende le barrage
de corsages et de rubans, la chef de Mizuho avait disparu dans la foule,
laissant Zélos désappointé.
Il ne resta pas seul bien
longtemps, ses admiratrices vinrent l’entourer à nouveau, se pressant contre
lui. D’un geste rageur il les congédia et partit en quête de la ninja, sous les
regards noirs de ces dames énamourées.
La partie de
cache-cache commença alors, sur fond de menuet, et le jeune homme eut bien du
mal à se défaire de toutes ses cavalières potentielles. Il n’échappa pas à
certaines danses, contraint et forcé par de vieilles aristocrates
entreprenantes qui le poussèrent littéralement sur la piste. Sans cesse son
regard balayait la foule colorée dans l’espoir d’apercevoir un bout de sa si
jolie robe blanche ou de son chignon d’ébène. Souvent, il captait du coin de
l’œil l’objet de sa convoitise, mais à peine tournait-il la tête dans cette
direction qu’elle avait disparu, happée par la marée humaine, laissant dans son
sillage un léger parfum de jasmin.
Ce petit
manège commençait à fortement agacer notre ami à la chevelure flamboyante. Il
en avait assez ! Pourquoi prenait-elle toujours la mouche ainsi ? Il
n’avait rien fait de répréhensible à la fin. Si sourire relevait maintenant du
crime contre l’humanité selon le code de conduite de Sheena, où
allait-on ! Après tout, il n’aurait bientôt plus l’occasion d’aller voir à
droite et à gauche, alors autant en profiter avant le tomber de rideau…
Zélos grogna de frustration, mais
ne s’avoua pas vaincu pour autant. Une charmante blondinette l’alpaga au
passage et l’entraîna dans le tourbillon d’une valse. La demoiselle lui lança
des œillades enflammées, mais l’esprit du jeune homme était entièrement tourné
vers la chef du clan ninja, et il ne lui accorda qu’un intérêt relatif, ses pas
s’accordant aux siens par pur automatisme.
Soudain il
l’aperçut. L’invocatrice se dirigeait vers les imposantes portes-fenêtres de la
salle de réception donnant sur les terrasses extérieures du château. Des
trilles salvateurs annoncèrent la fin du morceau et Zélos s’inclina prestement
devant sa cavalière avant de tourner les talons.
Suffocant un
peu dans cette salle bondée et surchauffée, Sheena était sortie prendre l’air.
Elle s’étonna un instant de ne voir personne à part elle déambuler sur la
terrasse, avant de se souvenir qu’on était en plein hiver. Se délectant de
cette tranquillité offerte, elle s’avança sur les dalles blanches. Le bruit de
ses pas claquait sur le marbre et troublait le silence ambiant. Derrière elle,
le brouhaha des festivités, étouffé par les lourdes tentures pendues aux
immenses fenêtres, lui donnait l’impression qu’elle venait de pénétrer dans un
autre monde où tout n’était que silence et sérénité. Accoudée à la balustrade,
la jeune femme se perdit alors dans la contemplation de la ville endormie et
ferma les yeux.
Sentant une présence familière
dans son dos, son visage s’étira en un fin sourire, et sans se retourner, elle
lança d’un ton narquois :
« ça y est, tu en as fini avec tes ronds
de jambes ?
- Ma foi, il
semblerait que oui, lui répondit une voix railleuse.
- Tu m’en vois
ravie », répliqua-t-elle du tac au tac, tournant toujours le dos à son
interlocuteur.
Elle entendit
un petit reniflement dédaigneux qui lui arracha un nouveau sourire moqueur puis
des pas se dirigeant vers elle.
Zélos, car
c’était bien lui, s’arrêta à sa hauteur.
« Comment
as-tu su que c’était moi ? lui demanda-t-il sans pour autant la regarder.
- Depuis le
temps qu’on se connaît toi et moi, c’était plutôt facile, s’enorgueillit la
ninja. Un jeu d’enfant même…. Et puis franchement, mis à part toi, je ne vois
pas bien qui viendrait me surprendre ici.»
Zélos haussa
les épaules et le silence s’établit entre eux, perturbé de temps à autre par
les rires qui montaient de la salle de bal. Il prit le temps de détailler avec
soin sa compagne du coin de l’œil, tout en veillant à rester aussi discret que
possible. Il l’avait toujours trouvée magnifique, mais ce soir elle était
resplendissante. Les joues rougies par le froid lui donnaient un petit air
mutin adorable et il se surprit à s’attarder plus que de raison sur son profil
régulier barré de quelques mèches folles s’échappant ça et là de son chignon.
Une fine buée s’échappait de ses lèvres légèrement entrouvertes au rythme de sa
respiration profonde et calme. Sa tenue ne comportait aucune fioriture. D’une
blancheur argentée, elle dégageait des épaules graciles et mettait en valeur un
port de tête régalien. L’étoffe, satinée et miroitante, reflétant chaque rayon
lunaire et magnifiant ainsi son teint diaphane, enserrait un cou délicat, et un
décolleté vertigineux s’arrêtant à la chute des reins mettait à nu son dos
finement musclé. A l’inverse de la gent féminine présente à cette fête, la
jeune femme n’avait nul besoin d’artifices, l’aura d’assurance tranquille
qu’elle dégageait suffisait à la sublimer.
Le jeune homme essaya de graver
cette vision dans sa mémoire car il savait que des occasions pareilles de la
contempler ne se représenteraient peut être jamais.
- Quoi ?
lança l’invocatrice en tournant la tête vers lui, gênée par ce regard
inquisiteur qu’elle sentait peser sur elle.
Elle avait
prononcé ce mot d’une voix légèrement teintée de reproches qui le surprit.
- Toujours
fâchée ? hasarda le rouquin au bout de quelques instants.
Sheena secoua
doucement la tête en signe de négation, le menton reposant entre ses mains
gantées et retourna à son occupation première, à savoir l’observation de la
ville en contrebas.
« Je
suppose qu’il est difficile d’aller à l’encontre de sa nature, finit-elle par
lâcher dans un soupir en haussant les épaules, fataliste.
- Et puis-je
savoir de quelle nature tu parles ma chère ? »
La jeune femme
ne répondit rien et se contenta de désigner brièvement la salle derrière eux où
la fête battait son plein.
- Ah,
ça ? Depuis le temps qu’on se connaît toi et moi tu devrais bien le
savoir, rétorqua alors le jeune homme en s’accoudant dos à la balustrade. Et là
je ne fais que te citer.
Le cœur de
Sheena manqua un battement. Même si elle connaissait la réponse au fond d’elle,
l’entendre de sa bouche était toujours aussi douloureux. Pourtant elle n’en
montra rien. Avec le temps, elle aussi avait appris à masquer ses émotions.
Mais ses paroles avaient rouvert une porte qu’elle aurait ardemment désiré voir
fermée à tout jamais.
Seulement,
Zélos avait perçu sa raideur subite et comprit, qu’une fois de plus, il l’avait
blessée sans le vouloir. A ce petit jeu de dissimulation, c’était encore lui
qui menait au score et il ne s’en laissait pas compter si facilement.
Décidément je ne suis qu’un
bon à rien… se désola-t-il.
Le silence
s’abattit à nouveau sur eux, telle une chape de plomb.
L’orchestre
entama une nouvelle valse et Zélos, pris d’une inspiration subite, se redressa
prestement tout en faisant quelques pas vers le centre de la terrasse.
- Allez,
viens ! l’interpella-t-il.
Sheena se
retourna à demi vers lui et haussa un sourcil, perplexe.
« Venir
où ? demanda-t-elle, suspicieuse.
- Viens !
Allez… ! » répéta-t-il en lui tendant la main, un grand sourire aux
lèvres.
Il était très
fier de sa petite idée et espérait sincèrement que la jeune femme marcherait
sans trop se poser de questions.
Viens Sheena… je t’en prie.
Enlève donc cet air méfiant de ton visage. Il ne te va pas du tout. Depuis un
certain temps tu me parais si soucieuse et je n’ose pas t’en demander la raison
de peur que tu ne te renfermes encore davantage. J’ai bien peur d’être à
l’origine de cette mélancolie permanente que tu dégages, sans pour autant
savoir de quoi il en retourne... Est-ce à cause de cet évènement ?
Pourtant nous avons fait un trait sur cette nuit là… Alors, que me
reproches-tu ?
- Ne fais pas
ta timorée allons ! Je ne vais pas te manger ! se moqua-t-il
gentiment en lui faisant signe de le rejoindre.
Et pourtant ce n’est pas
l’envie qui m’en manque, crois-moi. Surtout ce soir, alors que je vais
m’engager sur un chemin que je n’aurai jamais cru prendre un jour et que tu
parais plus fragile que jamais, drapée dans ta fierté.
La réaction
qu’il espérait ne se fit pas attendre. Piquée au vif, la jeune femme s’avança
prestement dans sa direction. S’arrêtant face à lui, elle posa ses poings sur
les hanches et planta ses yeux noisette dans les siens, le menton relevé en
signe de défi.
- Et bien,
j’attends ! déclara-t-elle plus sèchement qu’elle ne l’aurait voulu.
Pour toute
réponse Zélos s’inclina devant elle en une grande révérence outrancière. Un
éclair de compréhension passa alors dans le regard de la ninja et son rire
cristallin s’éleva dans l’air nocturne. Le jeune homme sourit intérieurement de
cette demi victoire et prit un air faussement boudeur. Entrant dans son jeu,
Sheena salua à son tour son cavalier improvisé et lui tendit la main signe
qu’elle acceptait l’invitation.
« En plus
ça nous réchauffera, ajouta-t-elle rieuse.
- Evidemment,
avec ce que tu as sur le dos…, » fit Zélos levant les yeux au ciel tout en
la rapprochant de lui.
Glissant sa
main entre les omoplates de la jeune femme, il put apprécier à quel point elle
était gelée. Pourtant il constata avec étonnement que cela n’avait pas l’air de
la déranger outre mesure. Décidément, elle l’étonnerait toujours…
- Parle pour
toi Zélos, parle pour toi, dit-elle en lui tapant doucement sur l’épaule. C’est
toi qui as la chair de poule, pas moi. Je te rappelle que nous sommes
entraînés, nous autres ninjas.
Et il
l’emporta à sa suite au son de la musique qui s’échappait des baies vitrées entrebaillées.
Sheena riait toujours et Zélos en tira une certaine fierté, satisfait de son
petit effet.
C’est vrai
qu’ils devaient paraître étranges à danser de la sorte, seuls, dans cette nuit
glacée. Mais qu’importe après tout. Il serait bien temps de rendre des comptes
plus tard. Pour le moment, seul l’instant présent comptait et la savoir dans
ses bras, offerte le temps d’une danse, le ravissait plus qu’il ne voulait bien
se l’avouer.
Sheena engagea
la conversation, mettant le jeune homme au courant des derniers renseignements
glanés par son réseau d’information. Zélos fit la moue.
« Ton rapport
peut attendre non ? La responsable des services d’espionnage du royaume a
aussi le droit à des moments de détente !
- Mais…,
protesta-t-elle.
- C’est un
ordre, fit-il dans un gentil sourire. C’est ton supérieur qui te
l’ordonne. »
La jeune femme
bougonna et s’enfonça dans son mutisme.
«
Pourquoi m’as-tu fait venir ici alors? Ne me dis pas que c’était juste un
prétexte pour me voir en robe, grogna-t-elle.
- Mmmh, peut-être
que oui, peut-être que non, riposta-t-il d’un ton énigmatique, un petit sourire
ironique venant étirer son visage.
- Zélos !
Tu ne changeras donc jamais ! » s’énerva-t-elle, quelque peu vexée
par l’attitude si prévisible du rouquin.
Elle avait
voulu lui donner une chance, une de plus, mais elle s’avisa qu’elle avait eu
tort, une fois encore. Sa déception était telle qu’elle sentit une nouvelle
fissure déchirer son cœur déjà meurtri. Elle qui avait eu tant de mal à
recoller les morceaux… Une remarque de lui, et la carapace qu’elle avait tenté
d’ériger ces deux dernières années s’effritait dangereusement.
Pourquoi
avait-elle cette sensation, ô combien dérangeante, qu’il ne faisait que jouer
avec elle comme il jouait avec les autres. Qu’elle avait été présomptueuse de
croire que cela se passerait différemment avec elle ! Il fallait voir le
résultat…
Je suis trop stupide…
La jeune femme
stoppa net et fit mine de se dégager de ces bras qui l’enserraient un peu trop
à son goût. Pas question de lui donner une nouvelle occasion de lui faire du
mal. Elle en avait assez bavé la dernière fois !
Mais Zélos ne
l’entendit pas de cette oreille. Au contraire, comme s’il avait deviné sa
réticence, il la rapprocha davantage de lui, la rendant plus mal à l’aise
encore. Sheena sentit son rythme cardiaque s’accélérer à ce contact,
pressentant le danger qui découlerait inévitablement de cette situation
ambiguë.
A quoi joues-tu Zélos ?
«
Calme-toi, lui murmura-t-il à l’oreille en resserrant son étreinte.
- Mais je suis
calme, rétorqua vertement Sheena.
- Alors ne
soit pas si crispée. Je vais finir par penser que tu n’apprécies pas cette
danse.
- Justement,
elle est finie. Lâche-moi maintenant.
-
Pourquoi ? Je ne fais rien de mal, répliqua-t-il tout en nichant son
visage dans le creux de son cou.
- S’il te
plait…, Zélos…Arrête de faire ça.
- Quoi
« ça » ? » demanda-t-il en effleurant de ses lèvres la peau
si douce de la jeune femme.
Jeune femme
qui frémit de plaisir lorsqu’elle sentit le souffle chaud venir chatouiller sa
nuque. C’était si grisant qu’un instant elle bascula hors du temps, cette
caresse appelant le souvenir d’autres, plus anciennes. Cependant, l’abandon fut
de courte durée, et Sheena, affolée, dût se rendre à l’évidence que, déjà, elle
ne maîtrisait plus rien. Reprendre le contrôle de ses sens lui parut un effort
surhumain qu’elle réussit néanmoins.
« Tu
sais très bien de quoi je veux parler, dit-elle aussi froidement que possible
tout en essayant de conserver une attitude détachée.
- Tu n’aimes
pas ? Pourtant tu ne disais pas non avant.
- Ce temps-là
est révolu Zélos, tu le sais aussi bien que moi… Et puis… et puis ce n’est pas
correct voilà ! Tu as des engagements à respecter ! Et moi
aussi… », rajouta-t-elle plus bas, presque à contrecoeur.
Sourd aux
protestations de l’invocatrice, le jeune homme l’enserra alors totalement en
une étreinte des plus possessives. La jeune femme hoqueta de surprise. Elle
devait résister à ces sensations dérangeantes que Zélos réveillait à mesure de
sa douce torture. Elle les avait pourtant soigneusement enfouies au plus
profond d’elle-même et les voilà qui refaisaient traîtreusement surface à
présent qu’elle sentait le corps de son compagnon se presser ardemment contre
le sien.
- Crois-tu que
je ne le sache pas ? Crois-tu vraiment que je fasse tout cela de mon plein
gré ?
Non, ne me dis pas ça Zélos,
pas maintenant…
« Qu’attends-tu
de moi alors ?
- Une chose
que tu n’es plus en mesure de me donner Sheena », chuchota-t-il
sensuellement à quelques millimètres de son oreille.
La jeune femme
frissonna et ce n’était pas le froid de plus en plus mordant qui en était la
cause. Elle se réprimanda intérieurement pour cette attitude mais elle sentait
bien qu’elle était à deux doigts de déposer les armes. Décidément elle était
bien faible, constata-t-elle avec amertume. Et la promesse qu’elle s’était
faite il y a deux ans de cela, qu’en faisait-elle ? De rage face à sa
propre impuissance à maîtriser ses émotions, elle serra convulsivement les
poings.
-
Tais-toi ! Ne dis pas ça Zélos, tu sais très bien que tu n’en as pas le
droit ! Aurais-tu donc la mémoire si courte ?
L’ex-Elu du
Mana grimaça à cette remarque.
Oh, non je n’ai pas oublié
Sheena. Et si tu savais comme j’ai regretté cette décision chaque seconde
depuis ce jour-là. Mais il était trop tard pour réparer mes erreurs. J’ai
attendu trop de temps… oui, bien trop de temps…
Le jeune homme
lui massait à présent tendrement le dos et elle ne put empêcher un léger soupir
de contentement s’échapper de ses lèvres. Elle avait oublié à quel point il
était agréable et enivrant d’être dans ses bras. Sa chaleur lui avait manqué et
elle aurait tout donné pour que le temps s’arrête à cet instant.
Est-ce que
toutes les filles qu’il avait tenues ainsi avaient ressenti cela ?
Probablement. Et étrangement, ce constat la dérangeait. Jalouse, elle ?
Par la Déesse, certainement pas ! Une légère rougeur teinta ses joues
lorsqu’elle réalisa qu’elle s’était inconsciemment lovée tout contre lui. Comme
elle avait honte de s’être ainsi laissée aller ! Ah, elle était belle
« Madame la Chef de Mizuho » avec son beau discours sur le respect
des engagements !
Pathétique, serait le terme le
plus approprié oui !
Bien évidemment, elle essaya de
repousser cet entreprenant opportun mais deux bras puissants empêchèrent toute
fuite. Prise au piège, la jeune femme commença à sentir la peur l’envahir un
instant, puis la colère la submergea lorsque, levant les yeux vers le visage de
son compagnon, elle découvrit son petit air victorieux et satisfait.
-
Arrête ! s’exclama-t-elle. Pour qui te prends-tu ? Je ne suis pas une
de ces pimbêches fardées avec qui tu t’affiches régulièrement ! Lâche-moi
immédiatement tu entends ou sinon…
Sheena
tremblait de rage contenue. Comment osait-il agir de façon si désinvolte ?
Comment osait-il se comporter comme si ces années passées loin de l’autre, ne
se voyant que pour des raisons d’ordre strictement professionnel, n’avaient
jamais existé ? Faire comme si tout était comme avant… Pensait-il
seulement une seule seconde à ce qu’elle ressentait ? Se rendait-il compte
de la confusion et du trouble dans lesquels il venait de la précipiter par ces
gestes affectueux tout droit sortis d’un passé révolu ? Croyait-il qu’il
pouvait revenir comme ça dans sa vie ? D’un claquement de doigt…
Non,
évidemment qu’il ne pensait pas à tout ça, égoïste comme il l’était !
- Ou sinon
quoi ? Tu vas te mettre à crier ? demanda-t-il d’un ton narquois.
Sheena ouvrit
la bouche pour répliquer, mais Zélos ne lui en laissa pas le loisir. Il la
réduisit au silence en l’embrassant fougueusement, coupant court à toutes
protestations de sa part. L’invocatrice cessa de respirer, bien trop surprise
par l’irréalité de cette scène. Zélos l’enlaçait et l’embrassait alors qu’il
allait se marier !
« Pourquoi » fut le
seul mot qui lui vint à l’esprit.
Ce baiser
n’était ni tendre, ni doux mais violent et désespéré.
Violent comme les sentiments que
l’ancien Elu du Mana n’avait jamais cessé d’éprouver pour elle. Désespéré car
il n’avait plus le droit à prétendre à quoi que ce soit vis-à-vis d’elle et
qu’il avait beau dire, ça il ne l’acceptait pas. Non, chaque fibre de son être,
chaque parcelle de son âme rejetait cette union avec l’héritière du trône mais
ce n’était pas comme si on lui avait donné le choix. L’avait-il jamais eu
d’ailleurs…
D’abord
stupéfaite, puis outragée, Sheena perçut toute la tristesse et les regrets que
Zélos avait mis dans son geste et ne put qu’y être sensible. Après tout, elle
aussi regrettait tant de choses. Alors elle ferma les yeux, abandonna la lutte
contre sa raison, et lui rendit son baiser avec toute la détresse qu’elle
ressentait au fond d’elle.
Tels deux
naufragés en quête de salut, les deux jeunes gens s’étreignirent avec force,
chacun étant la bouée de sauvetage de l’autre dans un monde hostile où ils
étaient pris au piège.
Zélos poussa
l’incursion plus loin et Sheena gémit de plaisir. Lorsque la main du jeune
homme glissa lentement au creux de ses reins, ses sens s’affolèrent. Ce fut
comme si de la lave en fusion venait de se déverser en elle. Electrisé par ce
contact auquel il n’avait plus goûté depuis longtemps, le corps de la ninja se
rappela douloureusement à elle. Si elle avait occulté de sa mémoire ces moments-là,
lui n’avait pas oublié les ébats passionnés partagés avec son autre moitié et
quémandait une revanche à ces combats charnels. Tel un brasier menaçant de se
consumer à chaque instant, il balaya les derniers soubresauts de résistance de
Sheena.
Elle capitula.
Zélos sourit
intérieurement. Apparemment, il lui faisait toujours de l’effet et ça n’était
pas pour lui déplaire, bien au contraire. Sentir cet admirable corps se tendre
et se cambrer sous l’effet combiné de ses caresses et de ses baisers, lui
apporta une immense satisfaction. Il n’avait pas été le seul à regretter leurs
étreintes.
Et l’autre ?
Arrivait-il à faire de
même ? Etait-il capable de la faire frémir d’un simple souffle sur sa
peau ? Vibrait-elle de la même manière sous ses doigts ?
Une vague de sourde jalousie se
déversa en lui à cette simple pensée. Savoir qu’il la partageait avec un autre,
qu’il n’était pas la source exclusive de ses soupirs lui broyait le cœur aussi
sûrement qu’un étau.
Sheena se
maudit intérieurement de sa propre faiblesse. Comment avait-elle pu en arriver
là ? C’était atroce…Elle avait envie de mourir sur place tant la douleur
dans sa poitrine était lancinante. Pourquoi n’avait-elle pas eu le courage de le
repousser ? Pourquoi par la Déesse ?
Et elle invectiva cette dernière
en pensée.
Etait-ce si amusant que cela de
la voir souffrir et se débattre dans la jungle de ses propres sentiments ?
Qu’avait-elle donc fait pour mériter pareils tourments ? N’avait-elle pas
été suffisamment éprouvée ces derniers temps ? Non, il fallait la cerise
sur le gâteau : après l’avoir chassé de sa vie, il fallait qu’Elle le
ramène vers elle !
Sheena en aurait presque ri si
elle n’avait pas été aussi déroutée et malheureuse.
Elle qui s’était efforcée pendant
presque deux ans de refouler son amour pour Zélos, de faire comme si elle avait
tourné la page sur leur histoire, de se montrer indifférente tandis que ce
bellâtre papillonnait de droite à gauche. Et dire qu’elle avait presque réussi.
Presque. Ce soir devait être le point final de cette relation dépassant les
frontières de la franche amitié qui finalement n’aurait jamais dû être. Le
moment pour tous les deux de prendre un nouveau départ. Le mariage avec Hilda,
l’héritière du trône de Tésséha’lla était un tournant décisif, un moyen
d’assainir leurs relations. Chacun aurait sa vie à construire de son coté et
c’était mieux ainsi.
Au lieu de ça,
elle était blottie contre son ancien amant et futur marié de surcroît, à
entretenir je ne sais quel espoir fou dans un coin de sa tête, et elle ne
bougeait pas. Qu’attendait-elle donc ? Une déclaration d’amour
éternel ? Une fuite loin de tout ? Chimères que tout cela…, pesta-t-elle
intérieurement. Zélos n’était pas capable d’une chose pareille. Il ne
s’attachait pas aux autres. Jamais. Elle en avait eu la preuve. Alors pourquoi
était-ce si dur de le laisser partir ? Elle savait que ce mariage était
nécessaire mais ne pouvait empêcher son cœur de se briser à son évocation. Elle
se rendit compte qu’elle ne voulait pas le perdre, qu’elle ne l’avait jamais
voulu même. Seulement la vie en avait décidé autrement et il était impossible
de revenir en arrière.
(suite)