Ici la parodie de Dragostea din tei par fun radio ^^ Résumé : Lloyd se rend compte que dans un mois c'est le bac et il
est pas dans la merde. Couple : Vaguement un Colloyd mais bon, là Lloyd c'est un salaud
XD
Lloyd avant son examen
Raine et Kratos : T'es un étudiant modèle ? En cours, t'es
toujours au premier rang ? Perds pas ton temps, on t'as grillé : On
sait que t'en branles pas une, et que t'écoutes Fun toute la journée Zélos : T'as raison, Fun Radio, a fond pour les révisions Yuan : Et arrête de stresser, l'important c'est de
participer ! Lloyd : Allo ! Génis : Ouais…. Lloyd : C'est moi. Génis : Qu'est ce tu veux ? Lloyd : J'suis dans le caca. Les exams c'est dans 2 mois.
J'suis à la rue, je le sens pas Lloyd : Allo ! Génis : Quoi ?! Lloyd : Allo ! Génis : Quoi encore ? Lloyd : J'ai besoin de tes cours Génis : Nan ! Lloyd : J'ai besoin de toi ! Génis : Je t'ai dis "Nan" Lloyd : Je t'en pris aide-moi ! Si je gruge pas, je
l'aurais pas
Cette année, en cours j'ai rien glandé. Non j'ai rien glandé, non j'ai
rien glandé
Aux exams je vais me faire recaler. Génis : Bien fait ! Lloyd : Mon année j'vais la retaper. Mon père il va
m'exterminer, me dilapider, je vais me faire démonter !
Cet été il va m'faire réviser. Mes vacances seront toutes niquées ! Lloyd : Allez ! Génis : Nan ! Lloyd : S'il te plait. Génis : Tu peux te gratter Lloyd : Soit cool Génis : J'tai dis "Nan" Lloyd : Ma poule Lloyd : Allo ! Génis : Ah, t'es relou ! Lloyd : Me la joue pas... Génis : J'suis sous un tunnel là, je capte pas !! Lloyd : Allo ! aallo ! Génis : T'avais qu'à bosser feignasse ! Lloyd : Fais pas le salaud ! Mon poto ! J'te file mes
sceuds, mes revues pornos, *depuis Lloyd lit ça ? *
Ma meuf * Colette : Connard ! Génis : Mhmm *et tout mon bedo * Rhoo le délinquant ! * Lloyd : Toute l'année en boîte j'me suis lâché ! Mes cours
j'ai zappé ! J'me la suis kiffé ! Mes exams, je vais tous les foirer !
Au rattrapage j'vais me retrouver.
Mon père, il va m'exterminer, me dilapider, je vais me faire démonter.
Mon été j'vais le passer à bosser.
C'est dans mes cours que j'vais me baigner
C'est plié : j'ai pas mon BEP, mon BEPC, ni mon BAC Français
J'ai pas le BAC, ni ma première année
Et en plus, j'sais pas chanter !
C'est pas grave, je serais accompagné
J'ai des potes chaumés
Mais tous surdoués
On fera mieux, ouais c'est promis juré
Rendez-vous à la rentrée !
Quelques notes s'échappent dans l'air avant de s'enchaîner dans une
mélodie. Un air bien connu. Chaque année à la même date, un pianiste
mystérieux joue cet air à Vinheim.
Les anges entendent cet air. Ils n'y prêtent pas attention, c'est
mauvais pour leur rendement.
Kvar entend cet air. Il se dit que le pianiste joue bien mais qu'il
devrait changer un peu de registre. Le même air tous les ans c'est
lassant.
Rodyle entend cet air. Il approuve Kvar.
Magnius entend cet air. Qui que cette vermine fut, il lui reconnaissait
volontiers son talent.
Forcystus entend cet air, non cette complainte. Il éprouve de la peine
pour celui qui joue un air si triste avant de partir. Kate l'attend, on
ne fait pas attendre une dame.
Pronyma entend cet air. Elle ferme les yeux et se délecte de cet air
sinistre. Elle admire le pianiste pour une catharsis si réussie.
Yggdrasill entend cet air. Il s'asseoit près de Pronyma et écoute. Il
sait qui joue ainsi et il le plaint, il le plaint sincèrement. Il a de
la peine pour lui malgré tout ce qui a pu les désunir. Il se rend compte
de la chance qu'il a, celle qu'il aime est toujours en vie, il peut
encore passer des bons moments avec elle. Il se laisse bercer par le
flot des notes et serre Pronyma un peu plus contre lui.
Martel, du haut de la graine suprême, entend cet air. Si elle avait pu
pleurer, elle l'aurait fait. Son coeur se serre. Elle sait que c'est
pour elle qu'il joue. Elle qui aimait tant cet air, elle commençait à le
haïr, il le faisait souffrir.
Kratos entend cet air. Il ferme les yeux et pleure en silence. Il sait
qui est ce pianiste qui frappe tous les ans à Vinheim. Lui, il sait la
douleur que l'on ressent quand on perd celle que l'on aime. Il porte la
main à sa poitrine en pensant à Anna. Il sort de sa chambre et se dirige
vers la pièce d'où viennent les notes de piano.
Yuan entend cet air. Les notes coulent sous ses doigts tout comme coulent les larmes silencieuses sur ses joues. Cet air, Martel
l'adorait. Il l'avait alors apprit pour pouvoir le lui jouer aussi
souvent qu'elle le voudrait. Il n'eut jamais l'occasion de lui faire
cette surprise. Alors tous les ans, à cette date, il jouait. Le
mystérieux pianiste de Vinheim jouait. il jouait pour elle, il jouait sa
peine de l'avoir perdue, il pleurait sa douleur vieille de quatre
millénaires. Il jouait dans le plus grand secret. Yggdrasill savait mais
il le laissait tranquille. Pronyma savait mais sa discrétion et sa
pudeur l'empêchait d'aller voir là-haut. Les autres? Yuan s'en fichait.
Il n'entendit pas Kratos arriver. Il acheva son morceau, levant les yeux
vers le ciel.
- Joyeux anniversaire Martel. dit-il dans un murmure entrecoupé par ses
sanglots.
Kratos se tient derrière lui et doucement il enlace le demi-elfe. Il
mêle ses larmes aux siennes. Et Yuan se laisse bercer, il pleure sans se
soucier de rien. Comme tous les ans. Car tout recommence. Mais il n'a
pas peur, Kratos est avec lui, c'est toujours plus facile à deux que
tout seul, même pour pleurer.
Bonjour, bonjour, c’est
moi Colette Brunel. Approchez-vous, je vais vous raconter quelque chose.
Saviez-vous que j’adore les chiens ? Oui ??? Comment avez-vous deviné !!!! Oh
lalalalalalalalalalalalaaalalalala
( Lady colette : *bâillonne Colette, se tourne vers les
lecteurs* : Ne lui en voulez pas, ce n’est pas de sa faute. ^^ ; )
Suivons Colette dans une de ses
journées :
Tout débute par un réveil
quelques temps après que le jour soit levé. Le réveil est calme.
« Colette,
debouuuuuuuuuuuuuut »
Quoi que… Voila Raine qui
vient la réveiller en hurlant comme tous les matins. Clignant des yeux, elle se
réveille doucement au son de la jolie voie de leur chère professeur.
Raine à Lady : Chère, chère…
c’est vite dit, vu comment ils me traitent… *s’en va en maugréant*
La première chose que
Colette fait en se levant c’est regarder la photo de chien au dessus de son
lit. Lloyd lui a offert pour ces 10 ans. Souriant elle pense que la journée va bien commencer. Elle continue
ensuite par aller se faire une légère toilette dans la salle de bain où trône,
pendu à la douche un sublime rideau en imprimé chien. Souriant de plus belle
elle s’habille et descend voir ses camarades. Dans la salle commune, le chien
de l’aubergiste vient la saluer en frétillant dans tous les sens.
« Bonjour Luky,
comment ça va ce matin ? Ohhh t’es beau mon toutou, oh oui »
Généralement, pendant
qu’elle fait cela, Lloyd et les autres préfèrent la laisser tranquille. Ils ne
veulent pas savoir ce que ça fait de subir le courroux de Colette quand on la
dérange en train de s’occuper d’un chien. Pendant le petit déjeuné tout est
normal, et pour une fois ce matin la jeune élue n’a rien casser. Petit dej
expédier, notre chère blondinette sort sur la place du village, armée d’un
grand sac d’où se dégage une odeur quelque peut désagréable. Et devinez ce
qu’il y a dans ce sac ? Des croquettes à chiens !! Exactement, Colette va
passez sa matinée à nourrir les chiens errants, les non errants aussi
d’ailleurs, du village. Elle leur a tous donné un nom. Tous !! Ils sont plus de
quinze. Si vous lui demandez elle vous dira tous leurs noms. Un jour Lloyd s’y
est tenté. Il a failli mourir sous l’avalanche de noms débiles et choupinoux.
Il y a par exemple : Chipie, Calin, Momi, Scouik (lui niaque tout le monde,
d’où son nom), Lulu, Malice, Rondouillard, Blacky… ect comme cela jusqu’à ce
qu’elle vous ait dit tous leurs noms et que vous ayez donné votre avis sur tous
leurs noms.
Le midi généralement elle
le passait avec le groupe, le seul moment de la journée où elle ne pensait pas
à ces toutous. Les repas se passaient tranquillement, sauf quand Raine décidait
de cuisiner. Généralement tous essayaient de l’en empêcher, tous sauf Colette.
Colette était bien la seule « folle » à aimer ce que préparait Raine.
Elle affirmait, Raine à ses côtés, que sa cuisine était un tout nouveau type,
et que bientôt on ne ferait plus que de ça. Généralement dans ces moments là
tous les autres les regardaient, horrifiés. Priant Martel pour que cela
n’arriva jamais. Souvent, les repas qui se commençaient comme cela finissaient
avec Lloyd qui volait au travers de la pièce. Pourquoi ? Car c’était le seul
inconscient à oser émettre une remarque sur la manière de cuisiner de notre cher
professeur. Il finissait donc, comme à chaque fois, à recevoir le pied de Raine
dans son cher arrière-train. Dans ces moments là, l’atmosphère s’allégeait,
oubliant le repas affreux, ne restait que le fou rire provoqué par la
correction administrée par la demi elfe.
L’Après midi, elle et
Lloyd sortaient s’entraîner un peu. Ils croisaient beaucoup de monstres
sauvages. A chaque fois Lloyd paniquait tellement qu’on l’entendait hurler
jusqu’à l’autre bout du pays. Hé vous savez pourquoi ? A cause de Colette ? Oh
oui !!! Encore… Hé bien, l’élue n’étant pas une fille « normale », dès
qu’elle voyait une créature qui ressemblait de prés ou de loin (la plupart du
temps de tréééééééés loin) à un chien, elle courait vers elles et voulait les
câliner. Elle a failli plusieurs fois se faire manger. Oh à chaque fois qu’elle
était de dos et qu’un monstre commençait à vouloir en faire son repas Lloyd se
précipitait vers elle pour la protéger, mais, Colette, ne se doutant de rien,
avançait et finissait par se casser la figure ce qui lui évitait de finir en
casse-croûte. Par contre c’était autre chose pour Lloyd car, se retrouvant à la
place où se trouvait l’élue juste avant, il finissait généralement entre les mâchoires
du monstre et, criant de douleur et de fureur, finissait généralement par le tuer
et en ressortait avec les vêtements en loques que son meilleure ami, Génis,
recousait en soupirant.
Le soir, Colette le passait, après manger, à
câliner Luky. Au début, ses amis avaient essayé de la persuader de faire autre chose,
mais Colette avait piqué une crise mémorable, qui s’était finie dans un mur.
Oui c’est de là que viennent les trous en forme humaine dans les murs de
l’auberge. Elle passait et repassait en gloussant :
« Lukyyyyyyyyyyyyyyy,
Luky luky lukyyyy, mon chien chien d’amouuur, Oh oui tu est mignon !!! »
Lloyd : Vous comprenez
maintenant notre douleur !!! Si quelqu’un avait une machine qui nous permet de
lui effacer tous ces chiens de la mémoire cela nous serait très utile !!!
Lady colette : Pour une fo…
arg *se fait virée par Colette*
Colette : *s’adressant aux
lecteurs* Il est mignon Luky Heinnn !!!!
Lady colette : *regard noir,
attrape Colette par le col et la ligote sur une chaise.* : Toi laisse-moi finir
! Je disais pour une fois je suis d’accord avec toi Lloyd !!
Voila, je vous ai fait vivre
une des journées de Colette, rassurez-vous, depuis le temps Colette a « oublié »
ces chiens, car lors d’une de ses chutes elle a perdu la mémoire. Elle l’a
retrouvé mais maintenant ne fait plus que donner des noms loufoques et les
papouiller de temps à autre. Je peux vous dire que le groupe est content.
Je cours. Je ne souhaite qu’une chose en cet instant être
loin d’ici, ailleurs, là où je ne serai pas l’élue, celle sur qui tout repose.
Je ne souhaite être que moi. C’est pour cela que j’ai décidé de partir, qu’un
temps certes mais c’est déjà cela. J’ai besoin de prendre de la distance. Je
laisse donc derrière moi le groupe. Il n’y a que Lloyd et Génis qui savent que
je parte. Ils voulaient à tout prix m’accompagner forcément mais je les ai
convaincu de ne pas me suivre. Je sais aussi que Zelos m’as vu partir. Je leur
ai laissé un mot. Leur disant où me retrouver dans un mois.
Je chemine donc, seule avec moi-même sur le sentier du
destin. Je ne sais pas ce que je cherche mais je sais que je le trouverai. Vers
la tombée de la nuit j’arrive en vue d’un village. Je vais pouvoir me reposer.
Le village est accueillant et chaleureux. Les passants me saluent comme une
personne normale et non comme la grande Elue. Je me dirige vers l’auberge, à
l’intérieur plein de gens heureux, riant aux éclats. J'y entre et me dirige
vers l’aubergiste, une dame bedonnante mais avenante. Elle me donne une chambre
et me propose de venir me restaurer. J’accepte gentiment, un peu timide. C’est
la première fois que je suis aussi seule. Cela me change mais me fait du bien.
M’asseyant à une table à part, je balaye la salle du regard. Il y a ici des
personnes de tout âge et de tout milieu social. Je mange en silence avant
d'aller me coucher. Alors que je m'apprête à monter, l’aubergiste me hèle, me
disant que si je reste jusqu’à demain soir il y a la fête annuelle du village.
Je décide donc de rester.
Pour une fois je ne me réveille pas aux aurores mais profite
d’une bonne grasse matinée. Vers dix heures je daigne enfin me lever et aller
prendre mon petit déjeuner. La salle est vide, je discute donc avec
l’aubergiste. Puis je passe ma journée à me balader dans le coin et flâner dans
le village. J’en profite aussi pour allez chez un couturier et faire réparer
mes habits. Cela faisait quelques jours que j’avais un accro dans ma robe et
rien pour la rapiécer.
Le soir venu je me dirige vers la place du village pour la
fête. Je me suis achetée une robe pour l’occasion ce qui est rare. Sur la place
est installée une grande rangé de tables, dans un coin, la partie cuisine, et au
milieu une grande place de danse. La soirée commence doucement, le vent est
frais dans la chaleur de la nuit. De ma place je vis un jeune homme m’observer.
Qui est-ce je n’en sais rien. Lorsque la nuit tombe et que la fête bât son
plein, je décide d’aller voir si quelqu’un veux danser avec moi. Ce n’est pas
moi qui vais au « public » mais lui qui vient à moi. Le jeune homme
en question me propose de danser. J’accepte. Il est… gentil. Mes cheveux
valsent dans l’élan de la danse, mon cavalier est un très bon danseur. Un peu
plus grand que moi, cheveux châtain foncés, ébouriffés, un sourire charmeur. Je
sens ses mains sur mon dos, fermes mais douces. Je frissonne. Tout cela est
nouveau pour moi. La chanson devient plus lente, mon charmant cavalier se
rapproche de moi et me murmure à l’oreille :
« Enchanté demoiselle, quel est votre nom ?
- Je m’appelle Colette, et vous ?
- Je m’appelle Lyam »
Son souffle effleure mon cou, je frissonne. Je ne sais pas à
quels sentiments j’ai à faire. Sa peau effleure la mienne, je sens son visage
tout prés du mien. A la fin de la chanson il me propose d’aller faire un petit
tour hors du bruit ambiant pour être plus au calme. Nous discutons plus d’une
heure, nous rapprochant à chaque fois. A la fin je suis presque dans ses bras,
ce qui ne m’aurait pas déplu. Il fixe son regard dans le mien, et cette fois je
ne résiste pas, je me blottis dans ses bras. Je me retiens d’en soupirer
d’aise. Nous restons comme cela je ne sais combien de temps, ayant perdu la
notion du temps. Mais il est l’heure de se quitter, il pose doucement ses
lèvres sur les miennes, ce qui me fait légèrement sursauter et je sens mon visage
s’embraser. Je ne résiste pas. Je ne peux pas.
Je me réveille le lendemain dans mon lit à l’auberge. Je ne
sais pas comment j’ai fait pour rentrer mais j’y suis parvenue. Je me prépare.
Il est temps que je reprenne mon voyage. En me levant je vois sur la table de
nuit une lettre. Elle est signée de Lyam. En repensant à cette soirée je
m’empourpre. Alors comme ça je n’ai pas rêvé. Il m’a laissé son adresse, il
espère que l’on se puisse se revoir. En descendant je laisse à l’aubergiste une
mission. Remettre ma réponse à Lyam. Elle accepte. Je lui ai écrit que
j’espérai le revoir mais que j’avais une mission. Je lui explique en détail,
mettant à la fin que j’espère que mon statut d’Elue ne change en rien sa vision
de moi.
Je chemine sur un chemin de terre en direction du point de
rendez vous. Un mois s’est écoulé. Un mois où j’ai appris à me espère. Je vais
enfin retrouver ceux qui m’ont manqué, mes compagnons de voyage même si Lyam me
manque.
Meltokio, la
ville des nobles de Tésséha’lla. C’était dans cette ville qu’était né Zélos
Wilder. Son avenir semblait brillant, son père était l’Elu de Tésséha’lla, sa
mère était l’une des plus hautes dames de la Cour, il était doué et mignon. La famille
parfaite ? Pas vraiment, ses parents ne s’aiment pas, sa mère ne l’aimait pas.
Mais lui espérait qu’un jour elle l’aimerait. Il y avait Sébastien, le
domestique attitré de Zélos qui l’aimait bien et puis son père l’aimait aussi
alors avec un peu de chance….Sauf que son père se donna la mort quand Zélos
avait sept ans. L’enfant hérita du titre d’Elu et se retrouva donc seul avec sa
mère Mylène, qui se mit à haïr encore plus cet enfant. Et Zélos ne pouvait plus
compter sur l’innocence de l’enfance, il le voyait bien qu’elle ne l’aimait
pas, qu’elle ne l’aimerait jamais mais il continuait d’espérer. Trois ans plus
tard, Zélos apprit que son père avait une maîtresse, une femme qu’il aimait, et
qu’il lui avait même fait un enfant : Sélès, une petite fille de quatre ans.
Zélos la haïssait sans le vouloir mais toute cette haine s’envola quand il vit
la petite lui sourire en l’appelant « Grand Frère ». Sélès n’y était pour rien, et puis, au moins Zélos
n’aurait plus été seul. Eh bien, raté ! La mère de la petite Sélès essaya de
tuer Zélos mais Mylène le protégea, périssant à sa place. Que furent ses
derniers mots selon vous ? « Je t’aime Zélos », ou encore « Ca va ? Tu n’as rien ? Bien, tant mieux ! » ?
Non ses derniers mots furent « Tu n’aurais jamais dû naître, je n’aurais
jamais dû te mettre au monde ».
Si elle l’avait protégé, ce n’était pas parce qu’il était
son fils, c’est parce que c’était l’Elu.
Mylène ignorait à quel point ses mots allaient marquer son
fils. Il se retrouva seul, Sélès ayant été enfermée dans une abbaye. Il n’avait
pas d’amis sincères. Seul, seul toujours et infiniment, indéniablement seul.
C’est dans la foule que ma solitude me pèse le plus disait Hemingway. Oh
combien pour Zélos cette phrase était vrai ! Il se construisait un sourire et
une attitude de façade, noyant sa solitude et sa souffrance dans les fêtes,
flirtant sans pour autant concrétiser, histoire de ne pas donner sans le
vouloir son sang maudit à un enfant innocent qui pourrait venir au monde. Zélos
joua cette comédie jusqu’à l’âge de vingt-deux ans. Ce fut lors de ce
vingt-deuxième printemps qu’il rencontra Sheena Fujibayashi, une ninja du
village de Mizuho, elle aussi seule et marquée par une tragédie. Enfin une
vraie amie dans la vie de Zélos ! Petit à petit, il en tomba amoureux mais ne
le montra jamais, comment lui imposer sa présence ? Son sang de damné ? Son
sang d’assassin ? Lui qui était responsable du malheur de sa famille….Puis il
rencontra un groupe prétendant venir de Sylvarant, un monde déclinant parallèle
à ce lui de Tésséha’lla. Il y avait Lloyd, le jeune homme innocent pas très
futé mais si gentil, Colette, l’Elue de Sylvarant candide et généreuse, Génis
le petit mage intelligent irritant mais sympathique et Raine l’enseignante un
peu brutale mais douce. Il voyagea donc avec Sheena et eux. Il se lia même
d’amitié avec, c’est pour vous dire ! Il rencontra par la suite Préséa, une
enfant à qui on avait volé sa liberté et Régal, un homme déchiré par l’amour et
qui pour soulager les souffrances de sa belle avait dû la tuer. Zélos s’était
lié d’amitié avec tous comme si c’était naturel. Mais ce qui l’étonnait,
c’était qu’on l’aimait pour lui, pas pour son titre. Il se retrouva embarqué
dans une odyssée pour sauver Sylvarant et Tésséha’lla. Et pour une fois, Zélos
se sentait utile dans ce bas monde. Il combattait, pouvait utiliser la magie,
pouvait soigner des blessures légères, il cuisinait relativement bien.
D’ailleurs le premier à le complimenter fut Lloyd pour son curry, ce qui fut
suivi par une salve de compliments, ce qui quelque part le gênait, même s’il
n’en montrait rien Il gardait ce masque jovial pour n’inquiéter personne, il se
sentait aimé pour de vrai mais bizarrement toujours aussi seul. Il ne
comprenait pas comment on pouvait aimer un être comme lui. Un jour, le groupe
était de passage à Meltokio. Rien ne pressait et tous étaient fatigués. Zélos
leur proposa de se reposer chez lui. Revoir son manoir revivre par la présence
de tant de gens lui faisait chaud au cœur. Nostalgie, nostalgie quand tu nous tiens.
Il se revoyait jouer avec son père, puis avec Sélès et Sébastien. Il se
détourna légèrement du groupe et se mordit la langue pour ne pas pleurer, Zélos
n’avait plus pleuré depuis la mort de sa mère, il s’était juré de ne plus
pleurer pour ce monde froid, hypocrite, empli de solitude. Cela faisait douze
ans déjà qu’il portait sa croix en silence, mais aujourd’hui, il n’en pouvait
plus, il craquait. Pourquoi vivait-il encore ? Pourquoi ? Il ne méritait pas
tant d’amour, tant d’affection, il en était persuadé, il n’aurait jamais dû
naître après tout !
Du coin de l’œil, Lloyd le vit trembler.
-Que t’arrive t-il Zélos ?
L’Elu se retourna brusquement, regardant le jeune homme.
-Rien, j’ai juste un peu froid à cause d’un courant d’air.
Lloyd n’était peut-être pas très futé mais il savait
reconnaître une explication d’un prétexte. Quelque chose n’allait pas, même pas
du tout. Il se jura d’aller parler à Zélos au soir, quand tout le monde serait
couché, au moins comme ça, il était sûr de pouvoir lui parler en tête à tête.
Heureusement qu’il se fit cette promesse !
Le soir vint et tout le monde alla dormir. Sauf Lloyd qui
attendait que tout le monde soit bien couché et Zélos qui réfléchissait. Il
était fatigué, fatigué de vivre. Sa vie n’avait aucun sens, il n’était qu’une
erreur, il avait détruit sa famille et il avait même réussi à faire en sorte
que Lloyd s’inquiète pour lui par-dessus le marché ! Franchement il abusait ! A
quoi bon être sur Terre après tout ? Tout le monde serait beaucoup plus heureux
sans lui. Le suicide, c’est le courage de ceux qui n’en n’ont plus, dixit
Baudelaire. Zélos n’en avait plus. Il prit une corde, fit un nœud bien solide,
l’accrocha à une poutre. Il monta sur un tabouret, passa son œuvre autour de
son cou et poussa brusquement le tabouret, se laissant pendre, l’air lui
manquant, les ténèbres l’attirant dans leur cœur obscur.
Lloyd se dirigeait dans la chambre de Zélos, bien décidé à
savoir ce qui tracassait son ami. Il pénétra dans la pièce et la première chose
qu’il vit fut le corps du jeune homme pendant au dessus du sol. Réagissant
promptement, il cassa la corde avec une de ses épées, rattrapa Zélos
inconscient, retira la corde de son cou, laissant le pauvre garçon infortuné
respirer. Il se mit à tousser violemment portant ses mains à sa gorge. Lloyd le
tenait dans ses bras, lui parlant gentiment. Il lui disait « C’est fini, tout va bien maintenant. » en lui
caressant les cheveux. L’Elu ouvrit doucement les yeux pour entrevoir avec
difficulté le visage de son sauveur. Lloyd. Quelque part ça ne l’étonnait pas
que se soit lui, l’idéaliste qui croyait que chacun avait le droit de vivre dès
la naissance, que la mort ne rimait à rien.
-Zélos pourquoi ? Pourquoi bon sang ?
-Parce que ma vie n’est qu’une plaisanterie.
- Arrête de déconner, tu veux ?
Voyant que le rouquin ne rigolait pas, Lloyd soupira et tous
les deux, ils allèrent à la cuisine. Les domestiques dormant, et ne voulant pas
les réveiller, le jeune Aurion prépara lui-même deux tasses de thé bien
chaudes. Zélos en but une gorgée, le chaud se répandant dans sa gorge.
-Zélos, explique-moi, pourquoi ?
- En quoi ça te regarde ?
-Ca me regarde parce que tu es mon ami !
-Tu aurais dû me laisser mourir.
-Explique-moi, alors je comprendrais peut-être ce que tu
dis.
Zélos se dirigea vers la fenêtre, regardant l’obscurité
dehors, ses doigts touchant le reflet d’un jeune homme épuisé. Il soupira, se
mit à trembler pour ensuite éclater en sanglots qu’il ne put refouler. Aussitôt
Il sentit les bras de Lloyd l’enlacer. Il se laissa bercer
doucement. Puis, sans savoir se qui l’y poussait, il se mit à raconter. Il
raconta son enfance, le suicide de son père, Sélès, sa solitude, la mort de sa
mère.
-Ses derniers mots ont été « Tu n’aurais jamais dû naître, je n’aurais jamais dû te mettre au monde
». Et le pire dans l’histoire, c’est qu’elle a raison, je n’aurais pas dû être
de ce monde ! Je rends tout le monde malheureux ! La mort de mon père, celle de
ma mère, Sélès enfermée à l’abbaye, tout cela est de ma faute, uniquement la
mienne !
Et il continuait de pleurer, il pleurait ses douze années de
douleur. Un éclair zébra le ciel et la nuit se mit à pleurer avec lui. Mon
dieu, comme Lloyd se sentait impuissant ! Tout ce qu’il pouvait faire, c’était
le consoler maladroitement en le serrant dans ses bras. Soudain, Zélos sortit
de la pièce en courant, suivi par un Lloyd déboussolé. Il courut à travers la
ville, se dirigeant vers le cimetière où reposaient ses parents.
Il tomba à genoux et tapa le sol de ses poings, commençant à
crier sur la tombe de sa mère.
-Je n’aurais jamais dû naître hein ? Tu n’avais qu’à
m’abandonner ! Je n’ai jamais demandé à venir ! Tes derniers mots ont fait de
ma vie un enfer ! Si tu savais, je te hais autant que je t’aime !
Puis se tournant vers celle de son père.
- Et toi, quelle idée tu as eu de te tuer ! Tu m’as
abandonné et tu as abandonné Sélès ! Si tu voulais épouser sa mère, tu n’avais
qu’à faire en sorte que je ne naisse pas, comme ça tu aurais eu une excuse pour
répudier Maman qui se serait remarié à son amant ! Et toi tu serais en vie,
heureux ! Sélès aurait eu un père ! Quand à moi, je n’aurais pas autant
souffert !
Zélos tremblait, à la fois de froid et de colère, sa
tristesse s’échappant peu à peu. Il pleurait toujours. Enfin de compte, lui qui
se croyait adulte depuis la mort de sa mère, réalisa qu’il était toujours un
enfant abandonné. Lloyd lui avait ouvert les yeux sans le vouloir.
Le jeune homme se leva pour se retrouver nez à nez avec son
ami.
-Rentrons Zélos, tu es trempé et tu risques d’attraper
froid.
-Lloyd, je peux te demander un service ?
-Bien sûr.
-Tu peux rester avec moi cette nuit ?
-Tu crois que je t’aurais laissé seul après la frayeur que
j’ai eue ?
- J’ai un autre service si je n’abuse pas trop…
-Dis toujours.
-Tu ne m’abandonneras jamais hein ?
Zélos leva ses yeux bleus vers Lloyd. L’Aurion y voyait
peur, tristesse, désespoir. Alors il lui répondit en souriant :
- Jamais vieux.
Zélos sentit son cœur bondir de joie. Enfin sa souffrance
allait s’arrêter ! Il n’était plus seul ! Quelques jours après cette histoire,
il était enrhumé mais il avait des amis et il était en vie.
Les couloirs de la ferme humaine lui paraissaient encore plus froids qu'à
l'ordinaire. Il était pressé de régler ce problème de quotas et de retourner
bien vite à Derris-Kharlan. La forêt d'Isélia lui rappelait trop de souvenirs
qu'il préférait oublier...
Il était assis à la table de la salle de réunion, attendant que les
affaires courantes se terminent. Il s'ennuyait, et cet ennui rappelait à lui l'épisode
de ce matin. Ce soir, il demanderait à Mithos de ne plus s'occuper de la ferme
d'Isélia, il ne devait pas prendre le risque de la revoir. Peut-être même
valait-il mieux qu'il ne remette plus les pieds à Sylvarant.
-...près de la maison du nain...
Ce bout de phrase qui s'échoua dans son oreille lui fit baisser les yeux
sur les documents éparpillés sur la table. Et son œil accrocha une photo
d'Anna, prise devant la ferme par les caméras de surveillances.
-Et l'équipe qui devait la capturer ce matin ?
-Ils disent qu'ils ne l'ont pas trouvée.
-Bon, elle ne doit pas être loin de la maison du nain. Envoyez une
petite équipe et ramenez-la dans la journée.
-C'est fait, l'équipe est partie il y a une dizaine de minutes.
-Ah, bien.
Kratos se leva en sursaut.
-Kratos... ? murmura Forcystus.
Il regarda Kratos quitter la salle sans un mot, puis baissa les yeux sur
les documents éparpillés sur la table. Sous ses doigts se trouvait une photo de
Kratos, prenant Anna dans ses bras.
Kratos couru dans les couloirs, bousculant les désians sans ménagements.
L'heure n'était plus à réfléchir à ce qu'il faisait, l'heure était à l'urgence
: s'il ne faisait rien, Anna se ferait tuer.
Sitôt dehors il vola à tire-d'aile jusque chez Dirk. Il y fut en
quelques minutes, c'était déjà trop. Lorsqu'il atterri le nain travaillait à
son potager, et paru extrêmement surpris de le voir.
-Kratos ! Quel bon vent t'amène ? Ca faisait un rien de temps qu'on ne
t'avait vu !
-Anna ! Où est Anna ?!
-Quel empressement ! Je n'en sais rien je ne l'ai pas encore vue
aujourd'hui. Pourquoi il y a un problème ? Tu as l'air bizarre.
Mais il ne l'écoutait déjà plus. Anna n'était pas encore arrivée. Elle
devait être sur le chemin.
Il s'envola et suivi le chemin qui menait à la ferme sans s'arrêter,
s'attendant à chaque virage à la voir poursuivie par les désians. Mais il tomba
finalement sur les désians, sans avoir aperçu Anna.
-Monseigneur ?! Que faites-vous ici ? s'écrièrent en cœur les deux
sorciers qui dirigeaient la petite troupe.
Kratos ne les regarda même pas. Si elle n'était pas là, il n'y avait
plus qu'une seule explication : elle s'était encore perdue.
Il s'envola, et commença à survoler les arbres sous le regard étonné des
désians.
Il n'osait pas crier son nom, personne ne devait savoir qu'il la
cherchait. A présent il se maudissait pour avoir réagit aussi bêtement à la
ferme. Il aurait du mal à trouver une explication à son comportement. Peut-être
pourrait-il prétendre qu'au matin il l'avait laissée pour morte, et qu'il
voulait s'assurer de bien l'avoir achevée. Mais cela n'expliquait pas sa
panique.
Ses sens d'ange accrochèrent un sanglot. Et dans ce sanglot, il y avait
la voix d'Anna. Pourquoi pleurerait-elle ? Les désians l'auraient ils trouvée ?
Il descendit et se posa entre les branches d'un arbre. Anna était à son
pied, seule, recroquevillée. Elle ne paraissait pas blessée, mais la voir
pleurer ainsi le rendit si triste...
Aussitôt il sauta à terre. Anna sursauta, et ses yeux s'arrondirent en
voyant Kratos débouler. Mais elle n'eut pas le temps de réfléchir qu'il
s'accroupi et la pris spontanément dans ses bras. Dans un premier temps elle ne
réagit pas, surprise, puis elle passa tendrement ses bras autour du large torse
de Kratos. L'étreinte sembla durer des heures.
-Tu n'as rien... tu n'as rien... répétait-il sans fin.
-Que veux-tu qu'il m'arrive ? dit-elle au bout d'un moment avec un petit
rire.
Tout à coup l'urgence de la situation s'imposa de nouveau à lui. Il se détacha
d'elle, la regardant dans les yeux.
-Les désians sont à ta recherche. J'ai eu peur qu'ils ne te trouvent
avant moi. Il faut vider les lieux.
Sans lui demander son avis, il passa son bras sous ses genoux et la
souleva. Elle s'accrocha à son cou.
-Mais... On ne peut pas rester cachés ici ?
-Non. Ils ont des machines pour scanner l'ensemble de la forêt. Il faut
s'éloigner d'ici.
Il s'envola, et pris la direction des montagnes au Nord de Triet.
-Si les désians me cherchent, il n'y a pas de risque qu'ils aillent
poser des questions à Dirk ?
-Ils allaient chez lui quand je les ai croisés.
-Mais alors il faut aller l'aider !
-Ce serait idiot. Il faut absolument qu'ils t'aient trouvée avant ce
soir parce qu'à minuit ils mettent à jour les quotas, et devront laisser tomber
tous les humains recherchés avant cette date. Lorsqu'ils auront fouillé la
maison de Dirk, cassé quelques objets et compris que tu n'y étais pas, ils
commenceront à scanner la forêt et ne perdront pas de temps avec Dirk. Il ne
court aucun risque.
-Mais...
-Si tu y vas, tu nous mets tous les deux en danger.
Il planta son regard froid dans le sien, et elle n'osa répliquer. Il vit
dans ses yeux qu'il avait été un peu trop brusque, et se corrigea.
-Je t'assure qu'il ne risque rien. Demain matin, à la première heure,
nous seront de retour. Tu peux patienter un peu...
Elle fit une moue peu convaincue. Il soupira, amusé.
-De toute façon nous sommes bientôt arrivés, regarde.
Au loin, la surface ocre du désert de Triet contrastait avec la
blancheur immaculée du continent. Sous leurs pieds, un petit massif aux sommets
affaissés se creusait en une étroite vallée encaissée. Kratos s'y engouffra.
Tout au bout de la vallée se dressait un immense arbre magnifique. Miracle de
la nature ou intervention de la magie, alors que le monde autour de lui était
couvert de neige, il montrait ses cascades de longues feuilles d'un vert éclatant
tombants jusqu'à ses racines noueuses. De gros fruits violets décoraient ça et
là les feuilles de l'arbre pleureur.
Derrière l'arbre imposant, une toute petite grotte s'ouvrait dans la
falaise. Kratos ralentit son vol, entra, et déposa Anna dans les rochers froids
mais secs.
-C'est un abri sur, il est impossible de rallier cet endroit sans voler.
-Où sommes-nous ? demanda-t-elle en contemplant les grosses stalactites
qui pendaient du plafond bas.
-Dans les montagnes au Nord de Triet. Et cet arbre est un arbre de
Linkité. C'est une plante fragile qui ne peut pousser que si les bonnes
conditions sont réunies. L'altitude, une terre fertile, une légère brise qui
fait danser ses noix, et bien sûr la bénédiction d'Aska...
-Aska ? Comme dans la légende des esprits originels ?
Kratos lui sourit tendrement.
-Il y aurait tant de choses à apprendre aux gens sur les esprits
originels, le monde, ou Martel...
Il devint soudain un peu sombre. Anna craignit de l'avoir vexé par une
parole déplacée, et s'empressa de changer de sujet.
-Tu viens souvent ici pour être seul ?
-Euh... oui, maintenant que tu le dis, j'y viens assez souvent. dit-il
en s'asseyant sur une pierre plate qui semblait lui être familière. Anna
s'assit à côté de lui, et se blotti contre lui.
-Et bien laisse-moi te dire que tu n'es pas très prévoyant. Pas de bois
pour faire le feu, pas de couverture...
Son ton était humoristique, mais Kratos paru confus.
-Excuse-moi, c'est que... les anges n'ont jamais froid.
-Oh...
Elle frissonna. C'est vrai qu'il devait faire très froid dans cette
caverne sombre, en plein hiver, au beau milieu des montagnes et au début de la
nuit. S'efforçant de ne pas rougir, il passa un bras autour des épaules de la
jeune femme, dans l'intention de la réchauffer. Elle apprécia le geste et se
blotti d'avantage, posant la tête sur son torse.
-Au fait monsieur Kratos...
-Oui ?
-On était censés ne plus se revoir, non ?
Il ne répondit pas de suite, pesant soigneusement ses mots.
-C'est vrai, on ne devait plus se revoir. Mais je n'allais pas te
laisser te faire tuer.
-Pourquoi... ?
-Parce que... Il serra son épaule sans s'en rendre compte. Parce que tu
es quelqu'un qui m'est cher et que je ne veux pas te perdre. Et c'est précisément
parce que je ne veux pas te perdre que je ne veux plus qu'on se fréquente !
ajouta-t-il soigneusement.
Elle sourit.
-Evidemment...
Il y eut un bref silence.
-Et toi, pourquoi tu m'appelles toujours "Monsieur Kratos" ?
-C'est mon père qui m'a appris à être toujours polie avec les hommes,
sinon ils nous prennent pour des filles faciles.
La simplicité et la justesse de l'argument désarçonna une fois de plus
Kratos. Mais il commençait à avoir l'habitude. Et c'était ça aussi qu'il aimait
bien chez elle, entre autres choses...
-Tu peux m'appeler Kratos, je te promets que je ne te prendrai pas pour
une fille facile.
-D'accord... Kratos.
Elle rougit légèrement, et leva les yeux vers lui. Une fois de plus,
leurs visages n'étaient qu'à une dizaine de centimètres l'un de l'autre.
-Kratos...
-Il ne faut pas qu'on se voit. l'arrêta tout de suite l'ange. Mais ses
yeux criaient le contraire. Tout ce qu'il souhaitait c'était que cet instant
dure pour les milliers d'années qu'il lui restait à vivre.
-Kratos... je t'aime.
Elle approcha son visage du sien. Kratos approcha de ses lèvres... mais
recula, se mordant la lèvre inférieure.
-On ne peut pas.
-Pourquoi ? demanda-t-elle avec un regard suppliant.
-Je ne t'attirerais que des problèmes.
Il la repoussa, et s'isola plus au fond de la grotte.
-Kratos...
Après quelques secondes, Anna se leva, et le rejoint. Kratos lui
tournait le dos. Elle passa ses mains autour de sa taille, et se colla
tendrement à son dos.
-Kratos... les moments qu'on a passé ensemble étaient... merveilleux. Ce
sont mes meilleurs souvenirs. Et puisque de toute façon les désians me
recherchent... Et aussi parce que maintenant... Pendant plus de six mois où
nous avons été séparés, je n'ai pas arrêté de penser à mon bel ange mystérieux.
Et maintenant que tu es apparu de nouveau devant moi... Moi non plus, je ne
veux pas te perdre. Je t'aime Kratos. Je t'aime.
Elle serra sa taille, attendant sa réponse avec confiance. Kratos pris délicatement
les mains d'Anna entre les siennes, les détacha de sa taille et se tourna face à
Anna.
-Anna... Vivre avec toi serait sans nul doute merveilleux, mais,
vraiment, ça ne mènerait à rien. Ca n'aurait aucun sens. Mieux vaut qu'on s'arrête
là tout de suite plutôt que de souffrir plus tard.
Anna posa une main contre la joue de Kratos. Il posa à son tour une main
sur sa main.
-Tu dis ça, mais quand j'imagine que demain matin on devra se séparer
pour toujours, je souffre. Alors je ne vois pas quelles souffrances tu m'épargnerais
à vouloir rester loin de moi.
Bien sûr, elle avait raison, pourtant, pourtant c'était impossible !
-On ne peut pas. se borna-t-il à répéter, tout en serrant la main d'Anna
dans la sienne.
-Pourquoi ?
-Parce que... parce que...
Il ne trouva pas de réponse. Il n'y avait pas de réponse. Il n'y avait
qu'une évidence : il aimait Anna. Et cette réalité occultait tout le reste.
Comme dans un rêve, il approcha son visage des douces lèvres d'Anna, et
l'embrassa.
-Je t'aime, Anna.
-Je t'aime, Kratos.
Incapables de penser à rien d'autre qu'à leur amour plus puissant que la
raison, ils s'embrassèrent toute la nuit.
Il était temps de rattraper le temps perdu après ces six mois de séparation.
Le temps passait inlassablement, et glissait sur Kratos comme la pluie
sur la roche, l'érodant imperceptiblement. 4000 ans s'étaient écoulés depuis
qu'il était né, il n'était plus à une saison près. D'ailleurs, ils ne
connaissait pas son âge exact. Il n'était même plus sûr de sa date
d'anniversaire.
Voilà à quoi il pensait en cette journée d'hiver, en survolant un
Sylvarant recouvert de neige. Mis à part la tache ocre du désert de Triet, le
monde tout entier ressemblait à Flanoir, avec ses cristaux de glace suspendus
aux arbres de la forêt, ses empreintes de pas laissées dans la neige au détours
d'un chemin, la fumée dégagée par les boissons chaudes que les humains consommaient
avec bonheur.
Kratos s'attarda à l'entrée de la ferme humaine d'Isélia pour contempler
les fragiles dentelles de givre qui s'étaient déposées sur le mur sombre de l'édifice.
Pour une fois que la ferme recelait quelque beauté, cela valait bien la peine
de s'attarder un peu. La douceur cristalline de la glace semblait entrer en résonnance
avec la douce froideur de son cœur. Il y avait bien longtemps qu'il n'avait pas
observé ainsi la nature. En fait, c'était une perte de temps. Mais peu importe,
du temps, il en avait à l'infini...
-KYAAAA !!
Il fronça les sourcils. La réalité le rattrapait sous la forme des cris
des humains enfermés à la ferme. Si seulement cette femme voulait bien se
taire.
-Lâchez-moi bande de sagouins, lâchez-moi !!
Chose curieuse, la voix ne venait pas de l'intérieur de la ferme, mais
plutôt du chemin y menant. Un nouveau cobaye ? A regrets, Kratos se détourna du
mur gris. Sur le chemin avançait un sorcier désian, suivi de deux sbires
encadrant une jeune femme qui se débattait furieusement.
Kratos se figea.
Ca ne pouvait pas être...
-Seigneur Kratos ! l'apostropha le sorcier. Que faites-vous à l'entrée
de la ferme ?
Kratos ne répondit pas, hypnotisé par la vision de cette jeune femme.
Cette silhouette, ces cheveux, et maintenant qu'il y pensait ce cri... En
entendant le sorcier appeler l'ange par son prénom, la jeune femme leva la tête
et posa son regard sur le sien. Ces yeux doux couleur chocolat... Aucun doute.
C'était bien elle. Anna.
-Seigneur Kratos ?
Kratos sursauta. Pas question de montrer aux désians son intérêt pour
leur capture. Mais impossible de la laisser entre leurs griffes ! Et ils étaient
dans le champ des caméras de surveillance, il fallait réfléchir, et vite !
-Euh, c'est que...
Il était rare qu'il bredouille devant les désians. Il fallait redresser
le tir. Il toussota.
-Cette... humaine, que vous apportez...
-Vous la connaissez ?
Bon, apparemment sa première réaction avait été très claire. Il fallait
retourner la situation à son avantage.
-En effet. répondit-il en reprenant son ton sec habituel. J'ai un
petit... différend à régler avec elle.
Il fixa un point un peu au-dessus de la tête d'Anna et pris un regard
haineux. Un regard qu'il aurait été incapable d'obtenir en la regardant dans
les yeux.
Le désian passa de l'un à l'autre, comprenant que le séraphin désirait
s'occuper personnellement du cas de l'humaine. Bon, ils n'étaient pas à un
humain près, et il aurait été stupide de s'opposer à un séraphin.
Le sorcier fit un signe aux deux sbires pour qu'ils lâchent la jeune femme.
Celle-ci tituba un peu, avant que Kratos ne lui empoigne fermement le bras.
-Devons-nous, euh... attendre que vous ayez fini ?
-Non. Vous n'aurez rien à ramener.
La réponse était très claire, et les trois désians regagnèrent la ferme
sans poser de questions.
Ils étaient seuls, mais toujours dans le champ des caméras, alors avant
qu'Anna ne fasse une gaffe, Kratos lui chuchota "Comporte-toi
normalement" et l'entraîna assez violemment, la tirant par le bras, sur le
chemin qui menait à la forêt.
Ce n'est qu'une fois sous le couvert des arbres, à plusieurs centaines
de mètres de la ferme, que Kratos lâcha le bras d'Anna et respira un bon coup.
Celle-ci massa sa chair compressée tout en le regardant d'un air étonné et
suspicieux.
Kratos leva sur elle ses yeux froids.
-Allez, va-t-en.
Elle ne répondit pas, continuant de frotter son bras et de le fixer.
Il se tourna complètement vers elle, la regardant de haut avec un regard
dur. Un courant d'air glacial passa entre eux deux.
-Va-t-en. répéta-t-il.
-Pourquoi ? répondit-elle du tac au tac.
-Parce que... parce que je suis un désian et que je devrais te tuer.
-Mais tu ne l'as pas fait.
-En effet.
-Alors pourquoi devrais-je partir ?
-Parce que...
Il était à cours d'idées.
-Parce qu'on n'a rien à faire ensemble.
Finit-il par lâcher dans un soupir, baissant les yeux. Son regard tomba
sur le bras d'Anna qu'il avait serré. Un gros hématome de la forme de ses
doigts s'y formait. Sous la pression du moment il n'avait pas mesuré sa force,
et l'avait sûrement blessée d'avantage que les deux désians.
-Je t'ai blessée ?
-Un peu.
Un cercle blanc se dessina sous les pieds de Kratos. Confiante, Anna ne
frémit pas. Il avança la main vers le bras meurtri.
-Premiers soins.
La blessure disparu. Anna frotta son bras avec surprise, puis adressa à
Kratos l'un de ses plus beaux sourires.
-Merci monsieur Kratos.
Il se senti rougir. Il détourna les yeux.
-C'est rien. Pars maintenant.
-Je ne vois pas pourquoi je partirais. Je viens tout juste de retrouver
un ami que je n'avais pas vu depuis très longtemps.
Kratos la regarda, hésitant.
-Tu me considères... comme un ami ?
-Enfin, pas tout à fait, dit-elle en rougissant, mais comme une personne
très chère en tout cas.
Il lui adressa un air étonné. Elle rit.
-Tu m'as manqué Monsieur Kratos !
Il eut un petit sourire désabusé.
-Ce serait mentir de dire que tu ne m'as pas manqué, toi aussi...
Elle sourit chaleureusement, et Kratos senti son cœur fondre. Mais
l'instant d'après, il se crispa.
-Mais il n'empêche qu'on ne devrait pas se voir.
-Pourquoi ?
-Parce que je suis... non, je ne suis pas un désian, mais disons que je
suis dans leur camp. Si ça venait à se savoir que je ne t'ai pas tuée, tout à
l'heure, j'aurais des problèmes.
-Des problèmes ? Pourtant tu avais l'air très influent tout à l'heure,
"monseigneur". remarqua-t-elle en riant. Il sourit en retour.
-"Influent", on pourrait dire ça comme ça. Il n'empêche... que
je suis du côté des désians. Tu as tout à perdre à me fréquenter. Je ne suis
pas quelqu'un de gentil, de souriant ou d'affectueux. Souviens-toi de la dernière
fois : ça, c'était le vrai moi. Je ne suis vraiment pas quelqu'un de
recommandable, tu comprends ?
Elle blêmit légèrement à l'évocation de leur dernière rencontre. Là où
il avait massacré des innocents.
-Oui, je... non. Non, je ne comprends pas... Tu dis que tu n'es pas
quelqu'un de gentil, pourtant... tu m'as bien sauvée tout à l'heure. Et je suis
sûre que la dernière fois aussi, si tu n'étais pas venu à ma rencontre, les désians
m'auraient capturée.
Il passa une main dans ses cheveux, l'air embarrassé.
-Je n'allais pas te laisser mourir dans une ferme. Tu ne sais pas ce
qu'ils font aux cobayes.
-Mais pourquoi seulement moi ?
-Je te l'ai dit, mon attitude envers les désians et les prisonniers,
c'est mon état normal. C'est seulement avec toi que je suis comme ça.
-Comme ça quoi ?
-Comme ça... comme ça. En tout cas, ne t'approche plus de moi, tiens toi
éloignée de la ferme et ne cherche plus à me revoir. Cette histoire est terminée.
Et ça vaut beaucoup mieux ainsi.
-Monsieur Kratos...
-Allez, file !
Elle hésita, le regardant avec toute la tristesse du monde, et
finalement obéit.
-Adieu, monsieur Kratos...
Elle se retourna, et à petits pas, s'éloigna sur le sentier...
-Tu vas vers la ferme là. Chez Dirk, c'est de l'autre côté.
-Oh... oui.
Elle fit demi-tour, passa devant lui, et s'éloigna de nouveau le long du
chemin. Lui n'avait pas bougé, restait stoïque, la regardait disparaître dans
la neige. Il se forçait à ne pas bouger, à la laisser partir. C'était bien
mieux ainsi.
Lorsqu'elle eut complètement disparu, il pris la direction de la ferme.
Après cela, ils se virent régulièrement. Kratos redescendit plus souvent
sur Sylvarant, et à chaque fois qu'il le faisait il passait voir Anna. Elle lui
présenta son ami, un nain nommé Dirk qui se targuait d'être un excellent
forgeron. Il avait craint la première fois qu'elle l'avait mentionné qu'il soit
son ami de cœur, mais il n'en était rien. En fait, plus le temps passait, et
plus il soupçonnait l'identité de la personne qui occupait son cœur. Et il
craignait plus que tout que ces sentiments soient partagés. Pourtant... n'était-ce
pas le cas ?
Ce jour-là Kratos avait à faire à la ferme d'Isélia. Il lui avait dit de
l'attendre chez Dirk, qu'il devait régler quelque chose "du côté de la forêt"
et qu'il ne serait pas long. Mais l'entretien fut plus long que prévu. Assis
sur sa chaise, Kratos s'impatientait. Comment pouvait-on perdre autant de temps
sur une simple question de formulaires ?! Il rongeait son frein dans un coin de
la salle de réunion, quand quelque chose retint son attention. L'écran d'une
caméra de surveillance. Et dans cet écran.
-Anna...
-Quoi ? demanda Forcystus en émergeant de ses papiers.
-Non, non rien. se corrigea-t-il précipitamment. Il ne fallait surtout
pas attirer l'attention sur elle. Mais qu'est-ce qu'elle fichait aussi près de
la ferme ? Elle s'était encore perdue ?!
-Je vais faire un tour, appelez-moi lorsque vous aurez retrouvé ce
papier.
-Oui Monseigneur. répondit le désian aux cheveux verts sans vraiment
lever les yeux.
Kratos quitta la salle, et sorti discrètement du complexe par une porte
de service. Il longea les murs, et repéra rapidement Anna qui scrutait
l'horizon sur la pointe des pieds, une main en visière.
-Anna ! appela-t-il à mi-voix.
-Mh ? Oh, Monsieur Kratos ! s'écria-t-elle joyeusement en l'apercevant,
faisant un grand mouvement de bras.
Idiote ! pensa-t-il.
Il mis un doigt sur ses lèvres et lui fit signe d'approcher. Curieuse,
elle s'exécuta.
Sitôt qu'il la su hors de portée des caméras, il la pris spontanément
dans ses bras.
-Mons... ?
-Anna tu te rends compte du danger que tu cours ?! Qu'est-ce que tu fais
là bon sang ? Je t'avais dit de m'attendre !
-Mais tu ne venais pas alors je m'inquiétais... expliqua-t-elle d'une
toute petite voix.
-Mais maintenant c'est moi qui m'inquiète pour toi, tu comprends ? lui
dit-il en s'écartant légèrement pour pouvoir la regarder dans les yeux.
-Oui... excuse-moi...
Les larmes lui vinrent aux yeux. Kratos soupira.
-Ce n'est pas la peine de te mettre dans cet état-là... dit-il en
essuyant une larme avant qu'elle ne roule sur sa joue.
-Mais qu'est-ce qui t'a pris de venir du côté de la ferme ?
-Ca, je... je pensais que je pourrais mieux te voir si je montais sur
une hauteur. expliqua-t-elle toute honteuse.
-Mais finalement c'est toi qui m'a trouvée...
Il lui adressa un sourire indulgent. Elle n'avait rien, il était soulagé.
Il s'aperçu soudainement qu'Anna était dans ses bras, contre lui. Zut, il ne
fallait pas...
Son regard croisa les yeux encore un peu rouges d'Anna, et il n'eut plus
du tout envie de se séparer d'elle. Il aurait voulu rester là à la consoler
pour l'éternité...
Comme pour lui donner raison, Anna se blotti contre lui. Il enfouit son
visage dans ses cheveux. Elle avait un parfum de fleurs...
La réalité le rattrapa brutalement. Il repoussa vivement Anna et
l'envoya presque de force dans un arbuste.
-Que ?
-Chhhhh !!
L'instant d'après, un désian apparu à l'angle du mur.
-Oh, Seigneur Kratos, c'est vous ?
-Qui voulez-vous que ce soit ? répondit-il sur un ton sec, froid,
cassant.
Anna blêmit. Le désian ne remarqua rien. C'était le ton de voix habituel
de Kratos.
-Des sujets se sont échappés. Nous sommes à leur recherche.
-Je n'ai vu personne. répondit sèchement Kratos. Allez voir ailleurs.
-Pourtant les caméras... Derrière vous !
Kratos se retourna vivement. Quelques mètres plus loin, un enfant et sa
mère étaient apparus, courant de toutes leurs forces, sans se retourner, dans
les vêtements des prisonniers.
-Ils s'enfuient !
Il n'y avait pas besoin de le préciser. Kratos connaissait son rôle.
L'action fut brève. Le séraphin s'élança. Deux foulées plus loin il était sur
eux. Son épée fendit l'air. Il croisa le regard épouvanté de la femme. Son épée
s'enfonça entre ses côtes. Elle poussa un râle déchirant. Kratos retira son épée
sans même la regarder, et se tourna vers l'enfant. Il lui lança un regard
suppliant. D'un coup d'épée il le décapita. En quelques secondes, ils étaient
morts. Alors seulement il remarqua que la femme tenait un nourrisson contre
elle. Il le remarqua parce qu'il hurlait. Un coup d'estoc le fit taire.
-Magnifique Seigneur Kratos ! Vous avez réglé ça en un tour de main !
s'extasia le désian avant de partir signaler la capture à ses supérieurs.
Kratos secoua son épée pour en retirer les gouttes de sang, l'essuya
placidement et la rengaina. Alors seulement il regarda Anna.
Toujours cachée dans son buisson, elle était pâle, le regard exorbité,
les mains devant sa bouche, les ongles enfoncés dans les mains.
-Dépêche-toi de partir ! lui intima-t-il comme si rien ne s'était passé.
-Kra... Non...
-Allez !
Ce cri, plus qu'autre chose, la décida à bouger. Elle s'enfuit sans
demander son reste, le plus loin possible de la ferme. Mais dans les yeux
d'Anna, il se vit tel qu'il ne s'était jamais vu : couvert de sang, le regard
vide, et le cadavre d'une femme et de deux enfants à ses pieds. Et tout cela,
comme si c'était normal. Il eut soudain comme une envie de pleurer, mais aucune
larme ne vint brouiller sa vue. Ses yeux étaient secs, tout comme son cœur était
gelé. Et même Anna ne pourrait rien y faire. En fait, il était mieux qu'elle
l'ait vu ainsi maintenant. Comme ça, elle pourrait s'éloigner de lui sans
regrets. Mais lui... en avait-il, des regrets ?
-Seigneur Kratos !
Il tourna la tête. C'était Forcystus en personne qui était venu le féliciter.
-Pardonnez-moi de vous avoir mis en contact avec ces... choses. Cela ne
se reproduira plus, je vous le garantis.
-Ce n'est pas grave. dit-il sans ressentir aucune émotion.
-Voulez-vous bien reprendre le cours de la réunion ?
-Oui. Allons-y.
Il laissa là les trois cadavres sans un regard. En chemin, Forcystus lui
dit :
-Vous ne devriez pas vous promener comme ça à l'extérieur. Vous pourriez
y faire d'autres mauvaises rencontres.
Les jours avaient passé, puis les semaines. Pour écarter les soupçons
que Mithos nourrissait à son égard à propos de ses trop longues escapades, il
fut d'un zèle irréprochable. Il ne passa que deux ou trois heures sur Terre en
deux mois, uniquement pour accomplir les missions que lui donnait Mithos.
Lorsque finalement...
-Tu travailles bien en ce moment Kratos...
-Je ne vis que pour te servir Mithos. répondit-il d'un ton neutre au
chef du Cruxis. Lorsqu'il était sous sa véritable apparence enfantine, il le
considérait encore comme un ancien ami qu'il pouvait tutoyer. Même si l'amitié
s'était glacée depuis longtemps...
-Je croyais que tu aimais passer du temps sur Terre ? Que dirais-tu
d'une inspection des fermes ?
Kratos serra les dents. Il n'aimait pas les fermes humaines, symboles de
la dégénérescence de Mithos.
-Oui Monseigneur. Et il s'inclina.
C'est ainsi que Kratos revint près de la forêt d'Isélia. Il n'alla pas
directement à la ferme, il préféra errer un peu sur les chemins tortueux de
cette belle forêt que la sombre silhouette de la ferme ne réussissait pas à gâcher.
-Elle a dit qu'elle n'habitait pas à Isélia... Est-ce qu'elle vit dans
la forêt ? songea-t-il tout haut. Il se surpris lui-même de déjà penser à elle.
Mais ce n'était pas si étonnant. Pendant cette longue période où il s'était
soigneusement tenu éloigné d'elle, pas un seul jour ne s'était écoulé sans
qu'il n'eut pensé à elle. Et s'il avait commencé par la ferme d'Isélia, et se
retrouvait maintenant à errer dans la forêt, n'était-ce pas pour la même raison
? Et vérité, ne souhaitait-il pas de tout son cœur la revoir, cette apparition étrange
avec laquelle il n'avait passé en réalité que quelques minutes de sa vie ?
-Anna... murmura-t-il
-Monsieur Kratos ?
Il leva brusquement la tête. Ca ne pouvait pas être... ?
Si. Le hasard avait voulu qu'ils se rencontrent à nouveau ce jour-là.
-A... Anna ?!
-Monsieur Kratos, vous vous êtes encore perdu ?!
L'aplomb d'Anna désarçonna Kratos de nouveau. Mais devant sa mine inquiète,
il senti son regard fondre et devenir extrêmement doux.
-Pas vraiment mais... je suis très heureux d'avoir pu vous rencontrer à
nouveau.
-Moi aussi. répondit-elle à la fois ingénue et tout simplement heureuse.
-Où allez-vous ? demanda-t-il en s'approchant d'elle.
-Chez un ami qui habite de l'autre côté de la forêt.
*Cela signifie de l'autre côté de la ferme* déduisit-il.
-Vous voulez m'accompagner ?
-J'en serais ravi.
-Je suis vraiment heureuse d'avoir de la compagnie, parce que je me suis
perdue !
*Encore ?!*
-Dites, dites ! dit-elle soudain en s'approchant très près de lui. Il
eut un mouvement de recul.
-Euh... ?
-Vous avez des ailes non ?
-Euh... oui.
-Vous pourriez peut-être m'aider à rentrer en regardant d'en haut !
-Euh... oui, bien sûr.
Un peu décontenancé mais pas spécialement contrarié par cette demande,
il avait accepté. Mais réalisa soudain que cela représentait tout de même un
obstacle. Il allait encore devoir la prendre dans ses bras. Et lui qui voulait à
tout prix éviter qu'elle ne s'attache à lui ! Mais pouvait-il décemment la
laisser perdue au beau milieu de la forêt, pas très loin d'une ferme de surcroît
?
-... Dans ce cas, vous permettez ?
Il s'accroupit et, délicatement, passa un bras sous les genoux de la
jeune femme. Maintenant son buste de l'autre main, il la souleva avec une
douceur infinie dans ses bras.
-Merci beaucoup. dit tendrement Anna en passant ses bras autour de son
cou.
-Il, Il n'y a pas de quoi, répondit-il en s'empourprant.
Il sorti ses ailes, et en quelques battements s'éleva au-dessus de la
cime des arbres.
-KYAAAAA !!!
*Ce cri n'est pas sans me rappeler quelque chose...*
-Tout va bien, je vous tiens... vous n'avez pas besoin d'avoir peur.
Elle desserra un peu ses bras qui menaçaient de l'étouffer, et plongea
son regard dans le sien.
-Ca, ca ressemble...
-...aux mots que vous avez prononcés pour moi.
Ils se regardèrent silencieusement, dans les bras l'un de l'autre, comme
surpris par leur situation. Kratos aurait voulu partir très loin, surtout ne
jamais la revoir, ne surtout pas l'embarquer dans tout ça, ne pas faire prendre
le moindre risque à cette jeune femme qui semblait si fragile et si étourdie.
Il voulait la protéger, il ne voulait pas la perdre... Il voulait à tout
prix... rester avec elle !
-Monsieur Kratos... chuchota Anna en se blottissant contre son torse.
-Je suis vraiment heureuse de vous avoir rencontré aujourd'hui. Je n'ai
fait que penser à vous depuis la dernière fois...
La dernière fois... Ils se mirent à rougir au même instant. La dernière
fois, alors qu'ils étaient dans la même position, leurs visages s'étaient tant
rapprochés l'un de l'autre. Et à présent, Kratos réalisa que son visage n'était
pas très loin de celui d'Anna...
Non, mais à quoi il pensait ? Cela faisait bien 4000 ans que son cœur s'était
glacé, et à présent ses appréhensions fondaient comme neige au soleil au
contact de cette femme. -Anna...
-Oui ?
Zut, il avait pensé tout haut ?
-Non, rien... Où... Où est la maison de ton ami ?
-Par là... dit-elle en indiquant la direction de la ferme humaine.
-Un peu plus loin derrière la ferme. précisa-t-elle.
Kratos commença à battre des ailes, serrant précieusement Anna dans ses
bras. Il contourna la ferme, il avait bien trop peur qu'on le voit avec une
femme dans les bras.
-Voilà, c'est là-bas... dit-elle en indiquant un petit toit de tuiles
rouges qui dépassait de la forêt. Kratos commença à descendre doucement...
Ils atterrirent au couvert des arbres, juste derrière la petite maison.
Kratos déposa délicatement Anna à terre. Mais lorsqu'il la lâcha et fit mine de
repartir, elle le retint par la main.
-Monsieur Kratos, vous... vous ne voulez pas rester un peu ? Prendre une
tasse de thé, par exemple. Je pourrais vous présenter à mon ami...
-Je regrette, mais... Je me suis déjà mis en retard.
Pourtant, il ne lâcha pas cette main qui le retenait.
-Monsieur Kratos ?
-Je... Il se mordit les lèvres. Il aurait tellement aimé rester, mais c'était
impossible. Anna sembla comprendre le duel intérieur auquel il se livrait. Elle
se rapprocha de lui, caressa ses cheveux et déposa un baiser fugitif sur sa
joue.
-Alors, à une prochaine fois...
Elle lui sourit, et s'en alla. Kratos leva la main pour la retenir,
voulu la prendre par le bras pour la serrer contre lui, lui dire combien il
regrettait de devoir la quitter à nouveau... Mais il ne termina pas son geste,
et sa main retomba lentement contre sa cuisse. Une prochaine fois ? Il espérait
sincèrement qu'il y en ait une.
Il la regarda disparaître, une main contre la joue qu'elle avait embrassée,
et s'envola.
Une fois de plus, il survolait le Nord-Ouest de Sylvarant. Il ne savait
pas vraiment s'il aimait bien cette région, ou si ce n'était que le hasard,
mais ses ailes le ramenaient toujours ici. Et comme ce qui devait arriver
arriva, il rencontra de nouveau l'étrange jeune femme.
Après une journée particulièrement monotone et mélancolique,
Derris-Kharlan lui paru insupportable, et il s'exila sur Sylvarant. Il erra du
côté de la forêt d'Isélia jusqu'à l'épuisement. Ses ailes disparaissaient par
intermittence lorsqu'il se décida enfin à se poser.
Le soleil se couchait et la forêt rayonnait de faisceaux roses et orangés.
Il ne voyait aucun chemin, aucune clairière. Il semblait qu'il ne pourrait
aller nulle part. Mais ce n'était pas grave, il était un ange, il ne craignait
ni le froid ni la faim après tout...
Il se posa là, entre deux arbres, en se demandant comment il allait
occuper sa nuit avant que ses forces ne lui reviennent. C'est alors qu'un bruit
de pas et une voix de femme résonnèrent à ses oreilles. Il tourna la tête de côté.
A sa gauche, une jeune femme aux longs cheveux bruns et bouclés marchait,
seule, en plein cœur de la forêt. La jeune femme qu'il avait sauvé du ravin.
-Hem... bredouilla Kratos, sans trop savoir comment l'aborder, ni trop
savoir pourquoi il le faisait. Mais la jeune femme passa sans le voir.
-Hey ! reprit-il. Elle tourna la tête, et son regard teinté de surprise
croisa le sien. Elle avait d'immenses yeux couleur chocolat, tendres et
simples, les joues pleines et de jolies lèvres roses. Elle lui sourit.
-Oh, bonjour monsieur l'ange. Et la façon dont elle prononçait le mot
"ange" avait quelque chose... de tout simplement angélique.
-Vous êtes perdu ?
-Euh... oui.
-Vous voulez que je vous reconduise ?
Il hésita. Pourquoi ne pas marcher un peu avec elle, il n'y avait pas de
mal.
-Oui... pourquoi pas.
-Ah, mais je ne peux pas. Je suis perdue aussi.
*Pourquoi me l'avoir proposé alors ?!*
-Mais je crois que Noïshe connait le chemin.
-Noïshe ?
C'est alors qu'il remarqua que quelque chose suivait la jeune femme.
Quelque chose, c'était bien le mot ! Cet animal, car il semblait malgré tout
que c'était un animal, avait la taille d'un poney, une fourrure blanche et
verte, de grandes oreilles qui devaient bien faire trente centimètres et une
longue queue touffue.
-C'est mon chien, Noïshe !
-Vous êtes sûre que... que c'est un chien ? Il aurait voulu dire
"que ce n'est pas dangereux" mais craignait de la vexer.
-Evidemment ! Qu'est-ce qu'il pourrait être d'autre ?
-A vrai dire, je n'en ai absolument aucune idée, répondit-il en toute
sincérité.
-Regardez, est-ce qu'il n'a pas la tête d'un chien Noïshe ? dit-elle en
pressant son visage contre la joue de l'animal. En effet, Kratos remarqua qu'il
y avait un aspect canin à son long museau terminé par une truffe et à ses yeux
noirs.
-*couinement*
-Allez Noïshe, dis bonjour à monsieur l'ange !
-*couinement*
-Allez Noïshe, conduis-nous à la maison !
-*couinement*
Et le... chien ouvrit la marche, qui comptait à présent un voyageur de
plus.
-A propos, je ne vous ai pas demandé votre nom, dit Kratos au bout d'un
moment.
-Je m'appelle Anna, et vous, qui êtes-vous pour me demander mon nom ?
-...Kratos. Je m'appelle Kratos.
-C'est la première fois que je rencontre un ange nommé Kratos !
-Parce que vous avez déjà rencontré un ange ?
-Bien sûr que non !
-Alors...?
-Je n'avais jamais vu d'ange, jamais vu personne s'appeler Kratos ni
aucun ange nommé Kratos avant vous. Je viens donc de faire trois rencontres en
une fois, c'est fabuleux !
-Ah...
Il resta silencieux quelques instants. Il avait perdu l'habitude de
faire la conversation. Les seuls à qui il parlait depuis des années étaient les
anges auxquels il donnait des ordres, Mithos qui lui donnait des ordres, et les
autres séraphins avec lesquels il ne parlait presque jamais.
-Vous habitez à Isélia ? finit-il par demander.
-Non, pas du tout !
-Ah... Et... Donc... Vous habitez... ?
-Chez mes parents ?
-Non, ce n'est pas ce que je voulais dire ! s'empressa-t-il de répondre,
se sentant étrangement s'empourprer.
Anna ria. Et Kratos aurait pu la regarder rire pendant des heures.
Ils arrivèrent finalement... nulle part. Le "chien" d'Anna les
amena au milieu d'une clairière, bailla, et s'endormit sur place. Kratos était
interloqué, Anna n'avait pas l'air surprise.
-Bon, ben on continuera demain !
-Comment ça ?
-Noïshe s'est endormi, et il est le seul à connaître le chemin, alors il
ne nous reste plus qu'à dormir ici !
Kratos leva les yeux vers le ciel. Que dirait Mithos s'il restait sur
Terre toute la nuit ? Et que répondrait-il, lui, à ses questions ? Mais de
toute façon il était encore trop fatigué pour voler, alors que faire d'autre...
Il soupira, baissant les yeux vers le sol.
-Bien... il ne reste plus qu'à passer la nuit ici alors... murmura-t-il.
Il leva les yeux, tentant d'être souriant, mais Anna n'était plus là.
Craignant le pire il dégaina en un instant son épée et effectua un tour
sur lui-même, à la recherche de la jeune femme. Elle n'était en réalité pas
bien loin. Elle avait grimpé dans un arbre tout proche, et marchait allègrement
sur une branche.
-Anna ! Faites attention vous allez...
-Mais noooon je fais ça souvent ! D'ailleurs jAAAAH !
Elle chuta, et se recroquevilla, s'attendant à un choc brutal avec le
sol trop dur et trop méchant. Mais le choc ne vint pas. A la place les bras
puissants et délicats de Kratos la réceptionnèrent en douceur...
-Mais... vous étiez là-bas juste avant non ?
-Oui mais... Vous voyant chuter, j'ai eut si peur que vous vous blessiez
que...
Sans s'en rendre compte, il avait approché son visage du sien. Anna déposa
une main sur sa joue.
-Vous avez eu peur...
Kratos ferma les yeux, se laissa aller à la douceur de sa peau contre la
sienne.
-Oui... j'ai eu peur pour vous...
-Tout va bien à présent, vous n'avez plus besoin d'avoir peur...
Il rouvrit doucement les yeux, et ses yeux bordeaux croisèrent les
tendres yeux chocolat d'Anna. Pour la première fois depuis quatre mille ans,
son cœur était apaisé. Sans rien savoir de lui, de sa situation et de ses
peurs, elle avait trouvé les mots justes. Anna était... une femme merveilleuse.
-Monsieur Kratos... murmura doucement Anna en caressant doucement sa
joue.
-Anna... Je... Mais il s'arrêta. Il réalisa soudain dans quelle
situation il se trouvait. Cette femme dont il ne savait rien, dans ses bras, et
son visage beaucoup trop près du sien !
Il s'empourpra, frissonna, et déposa un peu rudement Anna à terre.
-Monsieur Kratos ? dit-elle avec une mine inquiète.
-Je suis désolé.
Il serra une dernière fois la main posée sur sa joue, la retira, et
s'envola brutalement vers le ciel. Il n'était pas suffisamment reposé pour
regagner Derris-Kharlan, mais il pouvait au moins aller jusqu'à Izoold. Il
voulait juste s'éloigner. Ou plutôt il ne voulait pas s'éloigner. Mais il
n'avait pas le choix. Il ne pouvait pas voler le cœur de cette jeune femme.
Elle ne pourrait à coup sûr qu'en souffrir. Il était impossible, et non
souhaitable qu'il la revoie. Et à cette pensée, son cœur se serra.
Anna, toujours debout là où son ange mystérieux l'avait laissée,
scrutait l'immensité du ciel nocturne. Kratos était-il une de ces étoiles ?
Non... Son regard était bien plus beau que celui des étoiles. Anna s'endormi
seule ce soir-là, mais chérissant au fond de son cœur le souvenir de Kratos, et
serrant entre ses mains les seules choses qu'il lui ai laissées : l'une de ses
plumes, et l'empreinte de sa peau.