Chapitre 03: Renaissance- par Ludovika
Lloyd
se protégea de l’éblouissement des rayons du soleil à l’aide de sa main. Il
grogna : sa tête le lançait, soit d’avoir trop pleuré, soit à cause de sa
chute de la veille. Quand la douleur s’estompa, il nota rapidement que Kratos
devait l’avoir emporté dans une auberge. Il se leva et jeta un œil par une des
fenêtres. Il était dans une maison du salut. Dehors, on pouvait voir
l’embarcadère de Thoda et ses baquets.
Quand Lloyd tourna la poignée de la porte,
celle-ci résista. Il l’agita quelques fois, en vain : il était
enfermé. Son père avait dû prendre cette
précaution au cas où il tenterait encore de fuir. Lloyd abandonna, il n’avait
plus la force de trouver une autre échappatoire, il préférait attendre le
retour de Kratos. Le temps n’était plus à la fuite, mais à la confrontation,
sans armes ni violence, juste avec des gestes et des mots.
Finalement, il se dirigea vers une autre
porte et entra dans une petite salle de bain annexée à sa chambre. Lloyd se
sentait sale et fatigué, comme après une trop longue bataille, aussi se fit-il
couler un bain très chaud. Il lança ses vêtements sur une chaise et entra dans
l’eau fumante. Il s’immergea totalement quelques secondes. La chaleur déliait
ses muscles douloureux et calmait agréablement ses appréhensions. Il soupira
d’aise, même s’il savait que cette paix ne serait que de courte durée, car, une
fois sorti, le froid de la réalité le rattraperait, avec sa kyrielle de doutes
et de souffrances.
Après s’être lavé et essuyé, Lloyd lança un
sort à ses vêtements pour les nettoyer. En deux siècles, il avait eut le temps
d’apprendre un peu de magie. Il les enfila et prit un essuie pour sécher ses
cheveux avant de quitter la pièce, c’est à cet instant que son père tourna deux
fois la clé dans la serrure et entra. Lloyd se figea quelques secondes, le
fixant d’un air surpris, puis se désintéressa et s’assit en tailleur sur le lit
en frottant ses cheveux du tissu déjà humide. Kratos se posta devant lui, le
garçon l‘ignora. Enfin, il s’assit à côté de lui, saisit délicatement l’essuie
et le tira doucement. L’étoffe glissa de la tête de son fils qui baissa les
yeux. L’Ange avança sa main vers son visage et posa sa paume sur sa joue. De
son pouce, il suivit la cicatrice que son fils portait. Il commença au sourcil,
puis descendit. Lloyd ferma les paupières quand il passa sur la fine membrane,
et les rouvrit quand son père retira sa main, lui caressant une dernière fois
la joue du dos de son index, avant de rompre leur contact.
-
Comment t’es-tu fait ça ?
-
La guerre de la réunification…
Une
ride de scepticisme apparu sur le front de Kratos.
-
Tu y as participé ?
-
Bien sûr ! J’ai toujours adoré découper des gens en morceaux !
T’étais pas au courant ? Cracha Lloyd avec une ironie féroce.
Le
jeune garçon braqua violemment ses prunelles pleines de reproches vers son
père.
-
Ils n’ont pas pris la peine de nous le demander, tiens.
Soudain,
il fuit son regard et se mit à tortiller un bord de sa chemise entre ses doigts
pâles.
-
Au départ, il n’y avait que les soldats qui se battaient, dit-il d’une voix
brisée, ensuite, après plusieurs batailles, ils n’étaient plus assez nombreux.
Et c’était le même problème dans les deux camps. Alors ils ont été chercher
tous ceux qui étaient capables de porter une épée. Les derniers combats se sont
joués entre des vieillards et des enfants. J’en ai tué des tas, et à la fin,
j’ai déserté. C’était pas une guerre, c’était de la boucherie…
Le
ton n’avait cessé de diminuer depuis le début de son récit, ses derniers mots
n’avaient été qu’un murmure à peine audible. Kratos posa une main sur la tête
de son fils, ce dernier lui fit face de son petit visage abattu par le poids de
la vie.
-
Je veux pas, dit Lloyd, toujours aussi buté.
-
Pourquoi ?
-
C’est pas ma mère !
-
Je ne te demande pas de la considérer comme ta mère, ni Julia comme ta sœur,
répondit l’Ange d’une voix posée.
-
Je trahirai pas maman ! S’emporta le jeune garçon.
-
Lloyd…
-
Non ! Je suis pas d’accord ! Je ferai pas comme toi ! Cria-t-il
presque.
Il
fit demi-tour et voulu partir mais sont père le retint d’une poigne ferme sur
son épaule. Ils étaient devant la maison de Raine, Kratos et Julia.
-
Lloyd, gronda-t-il, n’oublie pas ta promesse.
Ils
entrèrent. La maison était vide, Raine et Julia étaient allées retrouver de
vieux amis en ville. Ils firent quelques pas à l’intérieur et une lumière
d’origine inconnue se mit à éclairer la demeure. Dehors, il faisait nuit noire,
comme ce soir où Lloyd était venu frapper à leur porte en quête d’espoir.
Kratos ne le fit même pas visiter, il le conduit directement à sa chambre. La pièce était à l’étage.
Les murs étaient ornés d’une tapisserie bleue sobre. Un grand lit à baldaquins
trônait en face de la porte, le dos contre un mur, et, de chaque côté, il y
avait de grandes baies qui donnaient sur l’immense jardin. Cette façade de la
maison était-elle entièrement vitrée ? Lloyd apprécia cet endroit dés que
son regard s’y posa, quoiqu’il n’en dit rien à son père.
Il s’avança vers son lit, suivit par son
paternel. Sans même essayer de rester debout, il se laissa tomber sur le
matelas. Kratos prit les couvertures et les remonta jusqu’à ses frêles épaules.
Lloyd soupira de bien-être. Jamais il n’avait dormi dans un lit plus
confortable. Il se lova sous ses draps frais et enfoui profondément son visage
dans les généreux oreillers de duvet. Le paradis… Il avait déjà fermé les yeux
quand son père lui caressa les cheveux et déposa un baiser sur son front.
-
Fais de beaux rêves, mon fils…
-
Grand frère ! Hurla quelqu’un au-dessus de Lloyd.
Quand
le garçon ouvrit les yeux, il découvrit Julia, à cheval sur son ventre
-
Tu viens prendre le petit-déjeuner ?
-
Hein ?
-
Tu sais, j’ai toujours voulu avoir une grand frère, expliqua joyeusement la
petite fille, mais papa et maman ils disaient que c’était pas possible !
Et c’était même pas vrai en plus !
Lloyd
eut un petit rire amusé.
-
Viens !
Julia
l’entraîna par le bras jusqu’à la cuisine, qui servait aussi parfois de salle à
manger. Lloyd resta sur le seuil, pantois, alors que sa sœur bondissait dans
toute la pièce. Son père était assis à table et demandait à sa fille de se
calmer. Raine cuisinait et Julia ignorait Kratos.
-
Euh… Bonjour… Fit timidement le jeune garçon.
Son
père lui adressa un sourire tendre et sa belle-mère se tourna vers lui.
-
Bonjour Lloyd, dit-elle avec douceur, assied-toi.
Quelques jours plus tard, alors que Kratos
et Raine dormaient, trois coups frappés sur la porte de leur chambre les
réveilla. Ils se redressèrent et aperçurent Lloyd qui tenait par les épaules sa
sœur dont les yeux étaient terrifiés. La petite serrait un ours en peluche dans
ses bras.
-
Elle a fait un cauchemar, elle n’arrive pas à dormir, dit Lloyd, fatigué.
Raine
fit signe à sa fille de s’approcher. La petite couru se réfugier entre ses
parents. S’apprêtant retourner dans sa propre chambre, le jeune garçon fut
arrêté par son père qui, sans qu’il n’ait le ne temps de réagir, l’emmena aussi
vers le lit. D’un côté, la mère et la fille ; de l’autre, le père et le
fils. Il fallut quelques secondes à
Lloyd pour chasser sa surprise. Enfin, voyant devant lui Raine et Julia, si
sereines, il sentit le cœur de Kratos dans son dos et se blottit un peu plus
contre lui. Son paternel, qui perçu son changement d’attitude, le serra plus
fort et embrassa sa nuque. Lloyd s’endormit, bercé par les battements de cœur
de son père.
Fin