Pour ses yeux océans: prologue - par Marina Ka Fai
Prologue
Il n'y a rien ici pour moi, dans ce pensionnat. Certes, je suis nourri, blanchi et logé, j'ai du travail. Mouais, la belle affaire. On pourrait croire que je suis ingrat mais malheureusement, tout n'est pas aussi idyllique. Ici, je suis plus un esclave qu'un domestique. Je dors dans l'étable qui jouxte l'établissement, me laissant aux proies de l'humidité et des courants d'air. Les vêtements que je porte sont usés et à la limite du réparable. Et malgré mon poste ici, mon ventre grouille toujours, mes repas sur une semaine, je les compte sur les doigts d'une main. C'est à moi que l'on confie les tâches les plus dures, les plus éreintantes, et bien sûr, on ne me laisse que très peu de repos, ma dernière nuit de sommeil complète remonte à des années. S'il n'y avait que ça encore, je ne me plaindrai pas. Pour un demi-elfe, un emploi dans un établissement luxueux est rare. C'est le prix à payer. Pourtant, même si je ne me plains jamais à l'oral, une voix dans ma tête ne peut s'empêcher de hurler mon malheur. Mes employeurs, mes supérieurs, les jeunes gens du pensionnat, tous me traitent comme le chien que je suis. Certains se contentent juste de m'ignorer ou alors ils glissent juste une injure que l'on ne leur reprochera jamais. Les autres me frappent mais ça j'y suis habitué. Il y a pire encore. Les derniers, les plus durs, eux, me brisent chaque jour un peu plus physiquement et moralement. Ils me font sentir à quel point ma race les répugne tout en «s'amusant» avec mon corps. Et à chaque fois après ces séances malsaines où je ne peux que subir en silence en refoulant mes larmes, mon corps se révolte et je vomis. Bon d'accord, vu que je ne mange pas grand chose, même quand on ne me prive pas de nourriture, le fait est que je vomis maintenant plus d'eau ou de bile que d'aliments à la vérité. Ma vie est ce qu'on appelle un Enfer. Ma race vit environ mille ans. Je n'en ai que dix-huit. J'ai encore neuf cent quatre-vingt deux ans à tirer. Neuf cents quatre-vingt deux ans de souffrance et de solitude. Je n'ai jamais eu personne, je n'ai personne et je n'aurai jamais personne. Je m'appelle Yuan Ka-Fai et je suis ce que l'on appelle un rebut de la société et chaque jour dans le pensionnat Kharlan de la ville de Meltokio me le rappelle amèrement.
Il paraît qu'il y a un nouvel élève qui arrive aujourd'hui. Tout ce que je sais, c'est qu'il s'appelle Kratos Aurion, fils du duc d'Aurion d'Altamira. Quel genre d'homme est-il? Un de ceux qui se contentera juste de m'insulter ou alors rejoindra t-il la bande qui trouve mon corps si amusant pour leurs jeux qui ne font du bien qu'à eux? Je ne sais pas et à vrai dire, je m'en fiche. J'espère juste que mon corps me lâchera vite, je n'en peux plus de cette vie. Je veux juste mourir, que mes souffrances prennent enfin fin.
A suivre