Tales of Symphonia-Partie 2- Chapitre 7 "Palabres et remises en cause sur la grève"
Perché sur le
rebord de la falaise, surplombant l’océan, Zélos laissait le vent s’engouffrer
dans ses cheveux. Il ne pensait à rien en cet instant. Son esprit était vide et
il aurait voulu qu’il en soit toujours ainsi. Cela aurait été tellement plus
simple. Tous ces sentiments contradictoires ne seraient pas venus le submerger alors
qu’il avait pris la fuite de la chambre de l’invocatrice quelques instant
auparavant. Haine, colère, amour, et peur se succédaient tour à tour tandis
qu’il tentait de remettre de l’ordre dans ce qui venait de se produire.
Haine contre
cet assassin envoyé par le Pontife qui avait tenté de violer Sheena. Rien que
penser à ce mot, « violer », le faisait bouillir de rage. Un mot si
simple mais pourtant si lourd de conséquences.
Colère envers
lui-même car il n’avait su identifier à temps la menace. Il se sentait si
lamentable. Sa seule consolation était d’avoir pu exploser la tête de cet
homme. Piètre réconfort dans un moment tel que celui-ci.
Amour… oui, il devait
le reconnaître. Il ressentait un doux sentiment pour sa compagne d’arme aux
cheveux d’ébène et au regard en amande, et cet amour naissant le consumait
lentement. Jamais il n’aurait agit de la sorte pour une autre de ses conquêtes,
jamais. Cette femme là le rendait fou et pourtant ne lui courrait pas après. Et
là résidait le dilemme. Il se rendait compte à présent combien il était dépendant
d’elle et cette sensation nouvelle lui faisait peur. Pour la première fois, il
ne contrôlait rien. C’était si agréable et effrayant à la fois… car elle
n’avait pas l’air de partager ses sentiments. Lui qui se vantait de tout savoir
sur les femmes, elle lui avait donné une belle leçon d’humilité. La peur d’être
rejeté lui tordit alors les entrailles. Sa situation était risible : lui
le coureur de jupon invétéré et chouchou inconditionnel de ces dames,
appréhendait de la réponse d’une seule. Il valait mieux pour tout le monde
qu’il tire un trait définitif sur cette histoire. Le pourrait-il
seulement ?
Une voix dans
son dos vint couper sa méditation et le fit sursauter :
« ça y est ? Tu es calmé ?
- Kratos…,
souffla Zélos sans pour autant daigner se retourner.
- Comment as-tu
su que c’était moi ? demanda l’intéressé perplexe.
- Ta voix.
Celle d’un homme… ça ne pouvait être que toi. De plus ton pas lourd est celui
d’un guerrier et non d’un serviteur de la Déesse dont le seul exercice physique
consiste à entretenir le jardin de l’Abbaye. Et puis l’odeur musquée ne peut
pas tromper. Enfin, pourquoi les prêtes viendraient-ils me parler ? Quant
aux filles…, répondit l’Elu laissant sa phrase en suspend.
-Tu n’es pas si
bête finalement », dit Kratos avec un petit sourire en coin.
Zélos haussa
les épaules avec désinvolture, montrant qu’il se fichait bien de ce que l’ange
pensait à son sujet.
Le mercenaire
s’approcha alors pour se placer à sa hauteur et contempla lui aussi l’étendue
bleutée et immense qui s’étalait sous pieds. Pendant quelques minutes, tout
deux ne prononcèrent pas un mot. Chacun laissait son esprit vagabonder.
- Pas question…
vous êtes ma prisonnière mademoiselle… et une prisonnière d’une propreté
douteuse », répondit l’homme d’une trentaine d’années affichant un visage
qu’il s’efforçait de garder impassible.
Elle avait
de longues boucles brunes souples que la brise achevait d’emmêler et était pied
nu. Une simple robe à fines bretelles en mousseline blanche venait rehausser la
blancheur de son teint et lui donner la beauté d’une poupée de porcelaine. Lui
aussi s’était déchaussé et faisait fi de l’eau fraîche qui venait lui lécher
les orteils à chaque vague s’étalant inlassablement sur le sable chaud. Il
souffla pour essayer de chasser les mèches rouges auburn qui lui chatouillaient
le visage et lui obstruaient la vue.
La femme frappait
pour la forme le dos de son ami de ses poings rageurs tandis qu’il pénétrait
dans le flot continu de vagues. Sa compagne protesta avec véhémence et il
attendit de s’être engagé jusqu’aux genoux pour la jeter à l’eau sans crier
gare avec un énorme « sploucth ! » sonore.
- Mais c’est
que tu as grossi ma chère… tu as presque faillit faire déborder la mer,
railla-t-il, s’attendant à la voir surgir d’une seconde à l’autre, trempée et
soufflant comme un phoque.
Seul un
rouleau répondit à sa plaisanterie et elle ne réapparaissait toujours pas.
Le visage de
l’homme devint livide, toute trace d’amusement avait disparu.
-
Anna ! appela-t-il, tremblant d’inquiétude. Anna ! Réponds-moi !
Ce n’est plus drôle là…
Il se
retourna dans tout les sens, en proie à une soudaine peur panique. Mais où
était-elle donc passée ?
Il
s’apprêtait à plonger lorsqu’il se sentit happer vers le fond. Quelque chose
venait de lui attraper les chevilles et il bascula à son tour dans l’eau
froide.
- Voilà ta
juste punition, môssieur l’ange ! Ah, tu fais moins le malin maintenant,
n’est ce pas ? s’écria la voix rieuse d’Anna, triomphante, secouant sa
chevelure trempée.
Kratos
ressortit lentement la tête de l’eau en la toisant d’un regard noir et crachant
l’eau salée qu’il avait dans la bouche. Il se releva avec une lenteur et un
dédain affiché puis étreignit avec force la jeune femme, surprise par cette
soudaine marque d’affection. Ce n’était pas dans le genre de son compagnon
d’être aussi démonstratif. Touchée par ce geste qu’elle appréciait à sa juste
valeur, elle resserra ses bras autour de lui.
« Ne
me refait plus jamais une peur pareille, lui murmura-t-il à l’oreille. Comment
pourrais-je encore continuer à vivre si tu m’étais enlevé à jamais mon
amour ? lui murmura-t-il à l’oreille en la serrant contre lui de toute ses
forces.
- Mais
voyons je ne vais pas disparaître comme ça… ne t’inquiètes donc pas…, dit-elle
de sa voix douce et rassurante.
- Si tu
savais comme je t’aime…, commença l’ange.
-
Chut ! Je le sais déjà, répondit-elle en lui mettant son doigt fin sur la
bouche, l’empêchant de continuer. Rentrons, l’eau commence à être un peu
froide… » //
Devant l’absence de réaction du
mercenaire, il rajouta :
« Ce type
est vraiment pas croyable… Kratos !
- Hein ?
- Ah, tout de
même ! Monsieur réagit…fit l’Elu exaspéré. Tu es venu pour quoi ?
Pour jouer au moralisateur ? Te repaître de mes hypothétiques
remords ? Saches pour ta gouverne que je n’en ai aucun… si c’était à
refaire, je le referais…
- Tu m’as l’air
bien sur de toi », dit Kratos d’un air tranquille.
En apparence, l’homme aux cheveux
auburn gardait une parfaite maîtrise de soi, cependant une tempête se
déchaînait à l’intérieur. Venir ici, sur cette grève, lui avait rappelé des
souvenirs et des émotions qu’il avait cru et aurait voulu oublier. Mais on
n’efface pas comme ça une vie, et encore moins cette vie là. Il savait par
expérience que la vengeance n’était aucunement salvatrice et doutait fortement
que l’Elu de Tésséha’lla échappe à la règle.
« Ne sois
pas trop dur avec toi-même. Elle est juste trop bouleversée pour le moment pour
faire la part des choses, dit Kratos sans regarder le jeune homme roux.
- Mais ce
n’est…, protesta Zélos.
- Je sais très
bien ce que tu peux ressentir, aussi étrange que cela puisse paraître… .
L’impuissance… , murmura le mercenaire, les yeux dans le vague et le visage
emprunt de nostalgie.
Zélos crut même
y déceler une once de tristesse et de regret.
- Pardon ?
demanda-t-il, intéressé malgré tout par les propos de l’ange.
- Le sentiment
d’être faible alors qu’on a subit aucune défaite… n’importe quel personne,
combattant expérimenté, a ressenti un jour cette impuissance face au cours des
choses, qui lui, est immuable. « Aurais-je empêché ceci si il ne s’était
pas passé cela ? ». Autant de questions qui torturent toute une vie
et qui tournent finalement autour d’une seule « Pourquoi ? ».
- Mais ça
aurait pu être empêché ! explosa Zélos. J’avais déjà vu cet homme !
Chez le Pontife en plus ! Si j’avais fait le rapprochement plus tôt, il
n’aurait pas eu le loisir de s’approcher d’elle et de… de…
- C’est une
combattante. Elle a été entraîné à résister ce genre de chose durant sa
formation, répliqua Kratos d’un ton cassant.
- Elle n’était
pas en état de faire quoique ce soit ! gronda l’Elu.
- Tu penses
qu’elle est faible et à besoin de ta protection ? interrogea durement le
mercenaire.
- Non !
Bien sur que non ! Mais…, commença Zélos.
- Ne laisse pas
tes sentiments interférer dans ton jugement. En combat cela pourrait vous être
fatal. Pour toi… et pour elle, le coupa Kratos. Je ne nie pas que ce qui vient
de se produire soit horrible. Mais rappelles-toi qu’elle n’est pas seulement
une femme. C’est une guerrière accomplie de Mizuho, réputé pour le dur entraînement
qu’ils font subir à leurs aspirants. Et elle a passé l’épreuve avec succès
puisqu’elle vous accompagne. Elle n’est pas une petite chose fragile à
protéger. Ce serait une insulte, à sa formation de ninja et aux souffrances qu’elle
a enduré jusque ici, que de penser ainsi.
- Qu’est ce que
tu essayes d’insinuer par là ?
- Rien… Je fais
état de ce qui est, et que tu as peut être tendance à oublier. Je ne te juge
pas. Ce que tu as fait est fait. Je te met juste en garde contre un
comportement qui pourrait nuire au groupe entier.
- Qui es-tu à
la fin ? s’écria Zélos en attrapant Kratos par le col de son vêtement,
l’obligeant ainsi à lui faire face. Comment peux-tu dire de telles
choses ! C’est quoi ce discours sur Sheena et le fait que je veuilles la
protéger ? Ce qui n’est pas le cas d’ailleurs… .Quel est le rapport avec
le combat que nous menons ? Et la sécurité des autres ? Qu’est ce que ça a
avoir avec le fait qu’elle a faillé être violée ? Et bon sang, d’où
sort-tu avec tes propos grandiloquents ? Hein ! Tu ne sais rien de
moi alors ne me juge pas !»
Il était en
colère contre lui-même de se mettre dans un tel état et de donner à Kratos des
ouvertures pour l’atteindre. Cependant, il avait beau essayer de se convaincre
que son attitude était puérile, il n’arrivait plus à rester maître de lui-même,
et ce depuis tout à l’heure. La perspective de perdre le contrôle de la
situation l’agaçait au plus haut point
Lorsque le
mercenaire avait parlé de la sécurité du groupe, Zélos avait tiqué et pâlit.
Avait-il découvert sa trahison ?
D’une main, il
desserra sans aucun mal la poigne de l’Elu du Mana.
- N’oublie pas
ce que je viens de te dire… . C’est pourquoi je suis toujours en vie… Tâches de
t’en souvenir à l’avenir, avant de faire quoique que soit de stupide. C’est un
conseil, dit-il avant de s’éloigner avec nonchalance.
Zélos suivit
d’un regard de braise le mercenaire jusqu’à ce qu’il disparaisse de son champ
de vision. Les paroles de ce dernier l’avaient ébranlé plus qu’il ne voulait le
croire. Mais si il fouillait au fond de lui, force lui était de constater qu’il
avait raison. Il devait prendre garde à ses pulsions. Dans le cas contraire, on
allait finir par le percer à jour. Bien malgré lui il chercha des yeux, sur le
haut mur de pierre, la fenêtre de l’invocatrice. Et il resta ainsi dans le vent
glacial venant de l’océan, la tête levée vers le ciel.
Assise sur le
matelas aux cotés de l’invocatrice dont elle caressait distraitement les
cheveux comme pour l’apaiser et la rassurer, la demie-elfe analysait la
situation. Tout son corps de femme se révoltait et se révulsait à l’idée de
l’agression dont la jeune ninja venait de faire les frais. Comment les hommes
pouvaient-ils agir de la sorte ? Elle sentait que même Préséa avait été
choquée. La fillette avait su ériger autour de son cœur et de son âme une protection
difficile à briser… pourtant… pourtant en cet instant, Raine voyait danser dans
ses yeux une lueur d’angoisse qu’elle n’avait jamais perçue auparavant.
Habituée au silence de son amie et sachant qu’il ne fallait pas s’y fier, le
Professeur Sage se leva et vint s’accroupir aux cotés de Préséa qui regardait à
travers la fenêtre.
- ça va Préséa ? interrogea-t-elle.
La fillette
hocha la tête au bout de quelques minutes, d’un air mal assurée. Le silence
s’installa à nouveau dans la pièce, seulement troublé par les cris stridents de
quelques mouettes se laissant porter par les courants aériens. Raine se prit la
tête dans les mains.
- Comment
peut-on faire une pareille chose ? demanda soudain Préséa.
La question
n’avait pas d’interlocuteur particulier. La fille à la hache semblait seulement
s’interroger à haute voix. Néanmoins, Raine essaya d’y apporter une réponse.
« Je ne
sais pas, finit-elle par dire, impuissante pour une fois. Le désir des hommes
est parfois si fort qu’il les transforme en véritables animaux. Ce n’est plus
la raison qui les habite dans ces moments là… . Sheena possède une arme puissante
mais à double tranchant… Son corps lui permet de séduire et de tenir la gente
masculine en son pouvoir, et cette arme là est redoutable, tu peux me croire.
Tu ne peux pas imaginer la portée du pouvoir de séduction d’une femme, tu es
encore un peu jeune. Saches toutefois qu’il permet de faire et défaire des
empires. Cependant, le revers de la médaille est tout autre. Il arrive parfois
qu’on devienne une proie facile. Un peu trop facile même…
- Mais Sheena
n’a pas désiré tout ça ! Elle n’a rien fait pour ! C’est
injuste ! » s’écria la fillette visiblement aux bords des larmes
malgré toute l’assurance dont elle faisait preuve d’ordinaire.
Raine fut
surprise par ce brusque accès d’humanité, si rare chez la combattante à la
hache, et se leva afin de la prendre dans ses bras.
- Oui, je le
sais, murmura-t-elle doucement tandis que Préséa tremblait comme une feuille.
L’incident
l’avait choqué bien plus que le Professeur ne l’aurait cru.
- Et c’est bien
cela le plus triste dans l’histoire, poursuivit-elle. Elle a joué de malchance…
Comment va-t-elle réagir à présent ? Il nous faudra attendre qu’elle se
réveille pour le savoir…
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Les dents de la mer
Soudain, quelque chose lui attrapa les chevilles.